A l’origine, le futur collège français porte le nom: Ecole Française de Nha Trang. Le bâtiment a été édifié, en bordure de mer, sur un quadrilatère sablonneux désert de 2 hectares, concédé par les autorités vietnamiennes pour la somme symbolique de une piastre (1$). Sur sa face Est, parallèle à l’avenue de la Plage, l’école est séparée de la mer par la résidence et les terrains de l’Evêché jouxtant deux importantes villas particulière voisines et leur jardin. Trois rues se coupant à angle droit bornent les autres côtés: Nord, rue Bá Đa Lộc; Ouest, rue Trần Hưng Đạo; Sud, rue Nguyễn Tri Phương. L’ensemble du terrain, sans arbres ou végétation, est clos par une muraille basse. A la rentrée scolaire 1948-1949 est inauguré le Groupe 1, Nord, cycle primaire: 3 classes entourées d’une galerie couverte. L’ensemble du bâtiment est surélevé de 1 mètre et relié par une galerie couverte à un grand préau ouvert sur ses quatre faces. L’entrée des élèves se fait, côté Nord, par un large portail, rue Bá Đa Lộc. Sur la gauche de cette entrée, s’élève la maison du gardien-vaguemestre et de sa famille. Elle jouxte un groupe sanitaire relié aux classes par une galerie couverte. La cour de récréation est encadrée par les classes et les galeries latérales. En construction sur la partie sud du terrain: villa et dépendances du directeur logé provisoirement à l’hôtel « Beau Rivage », aujourd’hui disparu, puis, pendant plusieurs mois, dans une villa de l’avenue de la Plage qu’il partagera avec une administration française. EVOLUTION 1949-1950: Construction du Groupe 2, Sud: 3 classes cycles primaire raccordées au préau et séparées du Groupe 1 Nord qu’elles prolongent par une large allée donnant accès au préau. 1954-1955: Construction du Groupe 3, Est: 4 classes (3 de cycle primaire et 1 classe de 6è) raccordées au préau et face au Groupe 2, Sud dont il est séparé par une vaste cour. Construction de 2 chambres d’adjoints dans la partie sud du terrain. 1958-1959: Construction du Groupe 4 Est (classes spéciales) dans le prolongement du Groupe 3 Est dont il est séparé. 1959-1960: Construction du Groupe 5 Nord: 4 classes raccordées au Groupe 3 Est. 1961-1962: Construction d’un nouveau groupe sanitaire et douches sur l’emplacement de l’ancien creusement d’un puits; édification d’un château d’eau; nouvelle et haute clôture à claustras côté Nord, Ouest et Sud. 1964-1965: Construction d’un magasin; d’un atelier; aménagement d’un magasin en librairie-salle d’archives; d’une salle de travaux pratiques. EMBELLISSEMENT Dès l’ouverture de l’établissement, tous les espaces non construits sont arborés (filaos, acacias, cocotiers, badamiers, acajoues du Sénégal, manguiers, tamariniers); bordures d’allées et parterres sont dessinées, fleuries et entretenues par un jardinier et ses aides; les cours et allées sont recouvertes d’un revêtement épais et solide. EFFECTIFS ET ORGANISATION PEDAGOGIQUE 1948-1949: ouverture du primaire 3 classes 75 élèves. 1952-1953: achèvement du primaire 7 classes 247 élèves. 1955-1956: ouverture d’une 6è (22 élèves) 236 élèves (par suite des tensions dues aux éléments politico-militaires, les effectifs affichent une baisse de près de 50% en juin 1955; remontée et légère progression dès la rentrée 1956, l’ouverture d’une 6è soulageant les parents des dépenses et aléas d’une scolarité poursuivie à Dalat ou Saïgon. Regain d’intérêt confirmé un peu plus tard par le succès de l’ouverture des « classes spéciales »). 1958-1959: ouverture d’1 classe spéciale 15 élèves. 7 classes du primaire 299 élèves. 4 classes du 1er cycle (6è à 3è) 89 élèves. Total: 12 classes 403 élèves. 1961-1962: 8 classes du primaire 403 élèves. 4 classes du 1er cycle 133 élèves. 2 classes spéciales 45 élèves. Total: 14 classes 581 élèves. 1962-1963: achèvement du dédoublement du primaire. Total: 16 classes 583 élèves. 1963-1964: dédoublement des 6è et 5è Total: 18 classes 628 élèves. 1964-1965: ouverture du 2è cycle Total: 20 classes 660 élèves. 1965-1966: ouverture de la 1ère Total: 22 classes 756 élèves. Observations: Très vite le développement du collège a été gêné par le manque chronique de locaux qui a conduit la direction à utiliser le système de classes à mi-temps. Les élèves groupés en deux séries, travaillent alternativement, selon les séries: 1ère série: 8h à 10h - 14h30 à 16h30 2ème série: 10h à 12h - 16h30 à 18h30 Le jeudi, les 4 heures de cours sont bloquées de 8h à 12h pour une série et de 14h30 à 18h30 pour l’autre série. Tous les élèves bénéficient d’une demi-journée totale de détente en milieu de la semaine. BUDGET Dans les toutes premières années de sa création, le fonctionnement de l’établissement dépend, en matière de financement, du budget local peu enclin à de grands investissements. Par la suite, et jusqu’en 1958, le Service Culturel de l’Ambassade de France au Vietnam finance l’ensemble des dépenses du collège. A compter de 1958, l’autonomie financière est accordée à tous les établissements dépendant du Service Culturel. Comme les autres collèges et lycées français au Vietnam, le collège de Nha Trang gère son budget de fonctionnement. L’enseignement devient payant, sauf pour les Français dont la scolarité, – laïque, obligatoire et gratuite – , est soumise aux textes obligatoires. L’octroi de bourses est prévu pour certains élèves vietnamiens. Dans un premier temps, de 1958 à 1963, le budget sera équilibré grace à une subvention; ainsi, à titre d’exemple: Année 1958-1959: 397 élèves payants – budget 320.000$; dont 190.000$ de subvention.* Année 1961-1962: 581 élèves payants – budget 1.069.618$; dont 32.300$ de subvention.* Année 1964-1965: 672 élèves payants – budget 2.051.500$; sans subvention.* (*) ces chiffres ne tiennent pas compte du traitement des professeurs détachés qui restent à la charge de la Métropole. Les constructions nouvelles et les grosses réparations relèvent du Département. Observations: Après l’année scolaire 1964-1965, nous manquons de renseignements permettant de suivre le fonctionnement, puis le déclin progressif du Collège Français. Toutefois, on sait que: En 1970, à la demande des autorités, toute la partie Nord (côté rue Bá Đa Lộc) et Ouest (côté rue Trần Hưng Đạo) de l’établissement a été rétrocédée à l’enseignement vietnamien à la suite de la fermeture progressive des classes primaires françaises. La nouvelle entrée du Collège Français, se situe rue Nguyễn Tri Phương. FONCTIONNEMENT PEDAGOGIQUE A l’origine en 1948, l’Ecole Française de Nha Trang a été conçue pour permettre aux enfants des Français résidant à Nha Trang et environs (fonctionnaires de diverses administrations, militaires, professions libérales, etc…) de suivre une scolarité normale, obligatoire, comme dans la Métropole. S’y ajoutent les jeunes filles de l’orphelinat local et plusieurs représentants de la minorité Cham en provenance du village de Tour Cham (Phan Rang). A titre particulier, sont inscrits à l’école, quelques élèves issus de familles vietnamiennes francophones (cadres fonctionnaires, médecins, commerçants…): peu nombreux, ces enfants possèdent déjà une assez bonne connaissance de la langue française. L’enseignement est gratuit. Dès 1950, la conjoncture politique (Proclamation de l’indépendance du Viet Nam) ayant conduit au départ de la presque totalité des fonctionnaires français, ne restent que les miliataires de toutes armes, quelques « conseillers » administratifs (Politique, Information, Magistrature, Sûreté, Santé, le directeur de l’Institut Pasteur, de l’Institut Océanographique) et un nombre très limité de Français du secteur privé (hoteliers, planteurs, usine électrique…). L’école va donc, au fil des années, s’ouvrir de plus en plus largement aux jeunes vietnamiens qui fournissent désormais l’essentiel de son effectif. Par la suite, en dépit d’un climat politique et militaire difficile, l’enseignement français demeurera très prisé des élites vietnamiennes; au hasard des aléas de la conjoncture (obligation pour les Chinois résidants de se faire naturaliser), le collège sera même appelé à accueillir les enfants de quelques familes commerçants chinoises, voire, un peu plus tard, des « conseillers » américains. Dans les années 1960, cet enseignement est assuré par un corps professoral de 25 instituteurs et professeurs (métropolitains détachés, contractuels, stagiaires ou suppléants) et de 4 professeurs journaliers vietnamiens. ACTION CULTURELLE Pour mieux intégréer le Collège Français de Nha Trang dans le tissu local, il est très vite apparu important de créer, à côté de l’Association de Parents d’Elèves, fort active, un pôle culturel d’attraction des élites, un site de rencontres franco-vietnamiennes et un lieu de rayonnement de l’esprit français sous toutes ses formes. Ainsi, – en dépit d’une guerre toujours renouvelée, de crises politiques endémiques, de tensions diplomatiques franco-vietnamiennes prenant rapidement un aspect passionnel dans les villes de province – , il est possible de porter au crédit du collège un certain nombre d’initiatives intéressantes à caractère ponctuel ou permanent. Parmi les premiers, on peut dire: Conférences: assez fréquentes, surtout dans les années 1950 à 1955, sous l’égide d’une équipe de jeunes agrégés de l’Université de Saïgon, et également par des conférences des divers horizons (Droit, Sciences, Médecine, Unesco, etc…). Expositions: photographie, peinture, livres, journeaux et revues, etc… Poésie et Théâtre, surtout avec les acteurs de grande qualité de la Troupe de l’Union Française dans un répertoire classique (gros succès auprès des scolaires des établissements d’enseignement vietnamien) et moderne. Séminaires scientifiques franco-vietnamiens au plus haut sommet. Au chapitre des œuvres culturelles permanentes, on peut citer: Bibliothèque publique de plus de 4000 volumes. Salle de lecture permettant à consulter une trentaine de journaux et revues allant à l’information générale à la mode en passant par la vulgarisation scientique et les arts. Cinéma: placée dans un premier temps sous le signe du ciné-club (à l’époque où la colonie française est nombreuse), avec membres actifs animant les débats très suivis et une séance hebdomadaire; cette activité connaîtra, par la suite, des fortunes diverses. CONCLUSION Il n’était pas évident, au départ, que l’Ecole Française puisse développer, voire même simplement qu’elle puisse survivre longtemps à Nha Trang tant les obstacles à sa pérennité semblaient nombreux et insurmontables: personnel (recrutement difficile), locaux (insuffisants), crédits (strictement mesurés), situation (guerre, remous politiques, éloignement des centres de décision). Pourtant, – et avant d’être emporté par les terribles tempêtes qui ont provoqué tant de souffrances, de ruines et de deuils au pays qui l’accueillait – , pendant près de trente années le Collège Français de Nha Trang ne cessera de grandir et aura, à son niveau, contribué à la formation de plusieurs générations d’élèves dont beaucoup ont obtenu un haut niveau de connaissances et forment une élite capable de participer, aujourd’hui, dans tous les domaines au grand bond en avant du Viet Nam. A l’origine de ce succès, il faut souligner, bien évidemment, l’attraction qu’exerçaient, en général et à cette époque, la langue et l’enseignement français, dans bien des milieux et des familles au Viet Nam, ainsi que le goût de l’effort, la volonté de réussite des enfants qui étaient confiés aux lycées et collèges dépendant de la Mission Culturelle Française. Pour ce qui concerne singulièrement le Collège Français de Nha Trang, s’ajoute à ce substrat favorable un certain nombre d’éléments particuliers qui relèvent, d’une part, de la Pédagogie, et d’autre part, – ce qui est très intéressant – , des relations humaines et même, en quelque endroit, affectives, qui ont ou être établies dès le départ. Au plan pédagogique, – et sans vouloir s’engager dans un long développement – , on peut signaler que, dès l’origine et dans les premières classes ouvertes, en opposition au système éducatif autoritaire et sclérosant traditionnel, ont été introduites les méthodes d’enseignement dites « actives » qui tendent à faire de l’élève un véritable « acteur » dans un travail scolaire orienté essentiellement vers l’effort personnel de recherche et de réflexion. Cette pédagogie et ces techniques déjà utilisées dans nombre d’écoles primaires en métropole, font à Nha Trang (et même, à certains égards, dans l’ensemble du Viet Nam) figure de grande nouveauté (1). Elles emporteront très vite l’adhésion des élèves et recevront le meilleur accueil auprès des familles vietnamiennes. Par la suite, l’objectif a été, d’une part, de constituer et de maintenir en permanence une équipe d’enseignants aussi homogène que possible, d’assurer à cet enseignement unité et continuité, et enfin de doter les maîtres du 1er degré – à la base du développement futur de l’établissement – d’outils (manuels, tableaux, matériel…) adaptés aux conditions particulières de l’acquisition et de la fixation de la langue française par les enfants vietnamiens (2). Le succès de l’établissement a tenu également à la qualité des relations de confiance établies avec les familles et la politique permanente d’implication active de ces dernières dans le fonctionnement pédagogique de l’établissement par le biais d’une Association de Parents d’Elèves particulièrement active et concernée. Enfin, dernier facteur de réussite du développement du collège, les très bons résultats obtenus aux divers examens (entrée en 6è, BEPC…) et la valeur des élèves dans les classes traditionnelles aussi bien que spéciales (3). De l’avis même des chefs des collèges ou lycées de Dalat et Saïgon, les élèves venant de Nha Trang, (à l’époque où le collège ne possédait pas encore de cycle secondaire), se faisaient remarquer par leur tournure d’esprit et le niveau de leurs connaissances et performances scolaires. Observations: (1) Certains anciens des promotions 48/52 parlent encore des discussions autour des textes, des enquêtes en groupe ou indivisuelles, des visites diverses: Institut Pasteur, Institut Océanographique, plantation d’hévéas; des fiches auto-correctives; de « La Rizière », journal scolaire rédigé, illustré, composé, imprimé par les élèves et adressé à de nombreux correspondants; des échanges de lettres et colis vers un certain nombre d’écoles en France. (2) On peut parler entre autres d’un certain ouvrage « Anh et Nguyet en famille, (le français par le livre et la radio) » rédigé par le directeur du collège, illustré par G. Lebourg et patronné par le Service Culturel Français, dont les leçons connurent un très grand succès et furent diffusées régulièrement par la Radio Saïgon et les radios locales. (3) Grâce au travail de maîtres de grande qualité pédagogique, les élèves – issus directement de l’enseignement vietnamien – , se placent en grand nombre, au bout de deux ans, parmi les meilleurs, dès la 5è normale, après être passés par la 7è et 6è spéciales. Jean FAURE Voir aussi: L'enseignement de la langue française au Viet Nam et ses problèmes CFNT dans la tourmente politique |
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