Chassé-croisé de Destins



Il y a des noms qui vous restent en tête, tandis que d'autres sont égarés dans votre mémoire.

Mais cela n'empêche pas de se souvenir de certaines personnes au cours de sa vie.

Aussi loin que je me souvienne, à Hanoi, Guy un grand de 10 ans, m'avait fabriqué une Jeep à partir d'une boite d'allumettes vide pour me consoler de ma prestation manquée à L'Opéra de Hanoi où, en duo avec une charmante petite " Vendeuse de Café ", j'étais atone sur scène.


Abandonné en classe maternelle à l'Ecole Nazareth de Dalat, j'ai connu un Nicolas qui semblait encore plus misérable que je l'étais, car personne ne voulait lui tenir compagnie à cause de la morve qui coulait sans cesse de son nez et qu'il essuyait comme il le pouvait.

A Noël, le peu d'internes (ou internés) encore présents, ont reçu des " Bonnes Sœurs " un cadeau envoyé par leur parent respectif.

A ma grande déception et honte, j'étais le seul à ne pas avoir un paquet.

Nicolas l'ayant remarqué, me proposa de jouer avec lui qui avait reçu une petite mallette de cubes en bois dont il fallait reconstituer 6 grands dessins.

A la fin de la journée, l'image partielle sur chaque face d'un cube était rapidement réalisée dans sa totalité, au point que dès le lendemain ce jeu d'observation avait moins d'attrait.


C'est uniquement pendant les vacances Pascales que ma mère (Née Jeanne Voirgard) est apparue.

En m'offrant un Œuf en chocolat, elle me demanda si j'étais content du cadeau du Père Noël.

Lui affirmant que j'ai rien reçu, elle m'entraina au bureau de la Mère supérieure où elles ont eu une vive discussion … Puis, sans attendre la fin de l'année scolaire, elle m'a emmené immédiatement avec elle pour vivre dans une petite villa avec Pierre et Jacqueline SEGUY, sans me laisser le temps de prendre mon " baluchon " et de dire Au Revoir au pauvre Nicolas ou de revoir l'une des 2 jeunes orphelines qui s'occupaient aussi de moi pendant les congés scolaires où je percevais déjà à mon âge, l'angoisse de ces " anciennes " internes des lieux, puisqu'elles devaient partir ailleurs...

La 7ème était la classe terminale comme à la petite Ecole Française de NhaTrang.

Tout comme l'Ecole des Faure, celle de Nazareth est devenue bien plus tard un Collège.


Ainsi, je suis allé au Petit Lycée Yersin, en classe primaire où j'étais surtout un champion aux Billes !

Les magnifiques billes en agate ont vite remplacé celles en terre cuite peintes en couleurs vives.

En propulsant ma bille à la Viêt (Pouce au sol, bille au bout du Majeur bandé en arrière par l'autre main) la force et la précision de mes tirs faisaient perdre les autres joueurs qui envoyaient les billes avec le pouce dans le godet de leur main.

Après une faste récréation, de retour dans ma classe, soudainement les 2 poches de mon short pleines de billes ont craqué, laissant tomber mes gains dans un beau tintamarre.

Je suis resté scotché à mon pupitre pendant que les autres ramassaient mes belles billes.

Après la continuation du cours, seul mon voisin m'a rendu les billes qu'il a pu retrouver au sol.

Fâché avec les autres voleurs, c'est ainsi que j'ai découvert divers insectes en m'isolant dans le petit bois de l'autre côté de la cour de récré : papillons, hannetons, scarabées, grillons et les phasmes mystérieux.

En demi-pension à ce Petit Lycée Yersin, je mangeais mieux qu'au réfectoire de Nazareth où les Bonnes Sœurs (Phấp ou Tây) me donnaient des coups sur la tête, pour me faire avaler foie, cervelle, …

Dès que la Surveillante s'éloignait, afin de m'éviter ces Tortures & Coups, discrètement mes voisins se partageaient le contenu de mon assiette et je faisais semblant de mâchouiller au retour du cerbère !

Et tous les Vendredis midi, un poisson plein de " nazarêtes " blessait l'intérieur de ma bouche.

Les Jeudis matin, à l'église St Nicolas (Nhà Thờ Con Gà en face de Nazareth) il fallait inventer des " péchés " pendant la confesse obligatoire où en sortant de là, on était empêché de mettre un mouchoir entre nos genoux et le bois de l'agenouilloir, pendant nos longues prières imposées (qu'on écourtait) en guise de punition et pour nous purifier … Mondo Cane !


Lors d'un grand " incident ", je m'étonne que d'autres anciens du GLY n'ont pas souvenance de la Punition générale imposée à tous les internes pour n'avoir pas dénoncé ceux qui avaient monté pendant la nuit, par les larges escaliers, la Renault 4 CV du Prof de Latin, jusqu'au premier étage du bâtiment où il y a le fameux clocher.

Les responsables, il ne pouvait être que les grands JH (à partir de la 3ème jusqu'en Première) ;

Mais les petits furent aussi punis.

Cependant, notre marche vers les chutes de Cam-Ly n'a été qu'une ballade dominicale.

Par contre, pour les grands internes, était une vraie punition (ou belle sortie sportive ?) leur Marche forcée (allure rapide des militaires au pas cadencé) Aller+Retour depuis le GLY jusqu'au sommet du Mont Lang Bian qui, avec le Phan-Xi-Pang étaient les 2 montagnes bien connues au VN.

Pour autant, tous les " petits " internes, ont apprécié le coup de la 4 CV portée jusqu'au premier étage, car cet antipathique Prof. (un petit gros joufflu bien rose comme un cochon de France) favorisait les notes des JF en les approchant de très près en classe.

Ce Prof a dû payer cher un dépanneur et son erreur d'avoir laissé sa voiture sur le Parking !

Peu de temps après cette Punition générale, j'ai su qui faisaient partie de cette équipe.

Je n'ai pas ébruité cette information ou confidence qui ne m'a pas étonnée de la part de ces braves gars que j'ai revus bien des années plus tard (THU à NHT et les PILIH en France).

Leur action ou bonne sanction contre ce Prof de Latin, restera dans les annales du Grand Lycée Yersin, à défaut d'être dans les mémoires des internes de cette année là.


Parmi les demi-pensionnaires, il y avait des " enfants de troupe " qui restaient toujours entre eux.

Cette solidarité était un " atout " dans je crois être leur pauvre vie et destinée.

A pied à travers les collines, ils venaient et repartaient du GLY par le fond du grand terre-plein qui servait pour les activités sportives.


En revoyant ma vie sentimentale, j'ai aimé ou apprécié d'une façon différente toutes les JF que j'ai connues de près et qui sont comme des fleurs.

De la petite violette à la dahlia, à bien les regarder, elles sont toutes belles et il m'est fort agréable d'avoir un bouquet de si tendres souvenirs, en sus du Mal Jaune incurable qui ronge l'âme nostalgique des hommes qui ont vécu en INDOCHINE …


ChrisChanh



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