Collège Français de Nha Trang - Viêt Nam

Those were the days, my friends!
Cinquième Partie

Désolé, messire Victor Hugo…

“Un chien qui crève!”


Notre classe de 6ème occupait cette année-là une partie du préau, réaménagé pour nous servir de salle de classe.


Le Collège Français venait d’intervertir son entrée principale avec celle de Hàn Thuyên (côté rue Nguyễn Tri Phương pour le Collège - Hàn Thuyên, rue Trần Hưng Đạo) et les nouvelles salles de classes (dans la zone de la maison du Directeur du Collège) ne seraient prêtes que l’année suivante.


C’était un espace ouvert, aux arcades recouvertes par des persiennes; les cours souvent perturbés par les bruits, inévitables à coup sûr.


Dans ce cadre de fortune, les moments de récitation devenaient un vrai cauchemar pour certains d’entre nous : On devait alors se mettre à l’entrée de la classe et de là, réciter à haute voix pour que les élèves au fond (Xóm nhà lá ) puissent nous entendre! Sinon, Monsieur Jehn mettrait sa paume ouverte derrière son oreille, pour nous faire comprendre que lui-même n’entendait rien du tout!


La leçon, déjà écrite au tableau noir et une fois recopiée dans notre cahier de récitations, devait être apprise par coeur, paragraphe par paragraphe.


Vint ce jour mémorable où à son tour, notre ami T.V.T. devait réciter “La mort d’un chien” de Victor Hugo: Arrivé à “Un chien qui crève! ”, il changea brusquement de ton (hurlant presque), escomptant son effet avec ce passage clamé à pleins poumons !

Silence dans la classe. Une minute, sans doute et puis, ce fut un fou rire général !


Devant notre hilarité si inattendue, le pauvre T. fondit en larmes.


Pour lui sauver la mise, Monsieur Jehn avait fait son éloge.




Mais ce surnom lui est resté acquis depuis. Chaque fois qu’on se revoit, il y aura toujours un petit malin qui ne manquera pas de l’appeler “Un chien qui crève!”

 

La mort d’un chien

Victor Hugo


Un groupe tout à l'heure était là sur la grève,

Regardant quelque chose à terre. -Un chien qui crève!

M'ont crié des enfants; voilà tout ce que c'est. -

Et j'ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.

L'océan lui jetait l'écume de ses lames.

- Voilà trois jours qu'il est ainsi, disaient des femmes,

On a beau lui parler, il n'ouvre pas les yeux.

- Son maître est un marin absent, disait un vieux.

Un pilote, passant la tête à sa fenêtre,

A repris : - Ce chien meurt de ne plus voir son maître.

Justement le bateau vient d'entrer dans le port ;

Le maître va venir, mais le chien sera mort.


- Je me suis arrêté près de la triste bête,

Qui, sourde, ne bougeant ni le corps ni la tête,

Les yeux fermés, semblait morte sur le pavé.

Comme le soir tombait, le maître est arrivé,

Vieux lui-même; et, hâtant son pas que l'âge casse,

A murmuré le nom de son chien à voix basse.

Alors, rouvrant ses yeux pleins d'ombre, exténué,

Le chien a regardé son maître, a remué

Une dernière fois sa pauvre vieille queue,

Puis est mort.


C'était l'heure où, sous la voûte bleue,

Comme un flambeau qui sort d'un gouffre, Vénus luit;

Et j'ai dit : D'où vient l'astre? Où va le chien? Ô nuit !



Small is beautiful!


Il est vraiment dommage qu’on n’ait pas pu conserver quelques-uns de nos cahiers d’école, car certains pouvaient être de véritables chefs - d’œuvres en décoration.


Notre maîtresse de français en 5ème, originaire du pays des cigognes, Mme Schwerzig (j’espère avoir bien écrit son nom) avait de magnifiques yeux bleus.

L’une des premières choses qu’elle avait faites, c’était de nous donner des petits noms français, car elle n’arrivait pas à prononcer nos noms vietnamiens, tout comme nous avec le sien, réciproquement. J’ai beaucoup aimé le mien:Gabrielle (ouGaby tout court).

Une femme si dynamique qu’on aurait dit qu’elle avait mangé du lion! – aperçue, de temps à autre, conduisant la grosse moto de son mari.

Et comment c’étaient ses heures de classes ? Eh bien, des plus vivantes qu’on connaisse ! Nous devions apprendre, avec elle, à construire des phrases, vu qu’à partir de la 6ème, on commencerait à faire des rédactions.

A la fin de chaque exercice ou leçon, on avait toujours droit à un petit moment de détente pour dessiner des frises dans nos cahiers.


Frise géométrique de nos cahiers d’antan


Et pour changer un peu d’air, elle nous emmenait, en rythme cadencé, au pays du flamenco : “Dans mon pays d’Espagne, olé” :

Dans mon pays d’Espagne, olé !

Ya un soleil comme ça

Ya une montagne comme ça

Ya la mer comme ça…”

Et pour finir, on chantait : “Le Président comme ça “, en agitant un bras en l’air…

Olé!!!




Mme Schwerzig nous avait même entraînés à courir après … le bonheur dans le pré!

Mais à cet âge-là, on n’avait aucune envie de se lancer à la poursuite de quelque chose d’aussi fugace à perdre haleine et en vain!

 

LE BONHEUR


Paul Fort (1872-1960)



Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.

Le bonheur est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.


Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.


Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite,

dans l'ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.


Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite,

sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.


Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite,

sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.


De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite,

de pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.


Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite,

saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !

 



Nguyễn thị Minh Yên / Gabrielle







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