A mes camarades de classe, au nom de cette longue et si belle amitié entre nous Notre « chef de classe » L.H., ayant fait le compte des têtes il y a quelques années, a remarqué que le groupe des filles de 6ème A était encore au complet! On s’était retrouvé en 2014 dans le Nord de la Californie pour revoir N.T., très malade. Ses amis Américains étaient impressionnés de la voir entourée d’une dizaine de copains et copines de la maternelle – une vieille amitié datant déjà d’un demi-siècle! Notre N.T., toujours rayonnante de joie de vivre, était pourtant la première à abandonner la partie ( Bỏ cuộc chơi ) un an après, bien malgré elle et à notre grand regret. Notre bande de Nha Trang sortait de deux écoles maternelles, sises dans la même rue, pas très loin l’une de l’autre: • École de Bà Lầu (Mme Lầu), située au coin de la rue Bá Đa Lộc et Quang Trung, près de l’hôpital militaire. • École Khải Tâm, proche du carrefour de la rue Quang Trung et Yersin, à côté de l’une des plus belles villas de Nha Trang. J’étais au début chez Bà Lầu mais mon père m’a envoyée ensuite à Khải Tâm, probablement à cause de Mme Fredon (professeur de la classe 6ème Spéciale de ma sœur aînée) qui y était la collaboratrice. D’après ma copine V.Y., j’ai « une mémoire d’éléphant », mais tout ce dont je peux me souvenir de l’école de Bà Lầu était une immense salle de classe et un garçon, plutôt grand pour son âge et costaud. Pourquoi est-il le seul à rester dans ma mémoire ? Sans doute, à cause de ce petit détail : son habitude, un rite immuable quoi : Chaque matin, dès son arrivée, il sortait de son cartable une bouteille thermos! Du lait ? Du chocolat ? Une potion (médicale) ??? Nul ne le sait jusqu’à ce jour ! La journée commençait à Khải Tâm par de petits rangs d’élèves devant la classe et, se tournant l’un vers l’autre, on jouait aux fameuses questions-réponses, à tour de rôle : « Bonjour, comment t’appelles-tu ? - Je m’appelle… Quel âge as-tu ? - J’ai cinq ans ». Bon gré mal gré, le voisinage devait être habitué à l’écho retentissant de cette section de Maternelle, des bambins qui s’égosillaient ainsi chaque jour, d’une voix tantôt montante, tantôt descendante: « Voici ma main (on montre la main) // Elle a cinq doigts // En voici deux (on montre deuxdoigts) // En voici trois (on ajoute un troisième doigt aux deux premiers) // Le premier (onmontre le pouce) // le gros bonhomme // c’est le pouce // qu’il se nomme // … »
Dans notre répertoire de comptines: Frère Jacques, Savez-vous planter les choux ?, Ainsi font, font, font les petites marionnettes, Les canards dans le bassin… « Alouette, gentille alouette» devait être la chanson gestuelle top du hit-parade: On faisait semblant de lui plumer la tête, puis le bec et enfin, pour en finir avec, la queue du malheureux: indicible joie alors pour nous tous, le moment tant attendu pour montrer nos derrières!
Alouette, gentille Alouette … Alouette, je te plumerai, Je te plumerai la queue…
Ecole Maternelle de Bà Lầu (Un grand merci à Michel René, notre webmaster, pour les photos de son album de famille, celles de l’Ecole Maternelle de Mme Lầu, sa maman) La magie des tout premiers mots Observons – contons – lisons – écrivons La lourde charge de Mme Fredon était de remplir notre cerveau au maximum de mots, de quoi faire un honorable bagage pour notre entrée au Collège Français. Les gravures en carton (de la collection Images de la Vie), épinglées au tableau, lui servaient de support, en vue d’enrichir notre vocabulaire.
J’ai retrouvé ces images dans le livre « Corbeille de Mots » (de J. Segelle) dont la présentation artistique avait comblé à merveille ma curiosité d’enfant. A l’étape « Observons – contons » avec Mme Fredon, je me suis aventurée toute seule vers l’étape suivante « Lisons ». Et, par la découverte des thèmes du livre, grâce aux illustrations pleines de charme et de vie, j’ai franchi la dernière étape « Ecrivons » sans difficulté.
Corbeille de Mots – Vocabulaire et Langage – par J. Segelle Illustré par Hélène Poirié Editions Bourrelier Plus tard, dans mes devoirs de rédaction, pour décrire « Le repas du soir », j’envisagerais « systématiquement » une salle avec l’âtre et son feu de bois scintillant, la grand-mère en train de tricoter (sans oublier le petit chat qui joue avec la pelote de laine ou des quilles ), le grand-père fumant sa pipe et remuant le feu de temps en temps, la mère préparant la soupe, les enfants aidant à mettre la table, le chien Médor frétillant sa queue parce qu’il veut son os. Et pour la fin du tableau, voilà l’horloge qui sonne l’heure - le père va bientôt rentrer de son travail ! « Des vacances à la campagne ou dans une ferme ? » C’était pareil, toujours la même composition, l’unique cliché ! On va parler d’abord du coq, le roi de la basse-cour, perché sur un tas de fumier, lançant son cocorico. Ensuite, cette tour appelée le « pigeonnier » ainsi que les clapiers, l’abri des lapins. Tiens, la fermière était en train de jeter des graines aux volailles et voilà la mère poule accourant à vive allure, suivie de ses poussins. Là-bas, un dindon faisant sa roue, des cochons roses couverts de boue, des canards barbotant dans l’eau de la mare… « Un dimanche au bord de l’eau, un pique-nique» Ah, quelle joie, n’est-ce pas ! Que voyait-on là, au bord de l’eau ? – Des roseaux, bien sûr ! À l’ombre d’un saule, voilà un pêcheur à la ligne, coiffé d’un grand chapeau de paille, un panier à ses côtés pour ses prises : A nous, les petits conteurs, de décider s’il allait rentrer bredouille ou non ! Attention, le bouchon plongea, et là, au bout de sa ligne, frétilla un grand brochet (une carpe ou un petit goujon). Toutes ces images, typiquement françaises, ancrées dans notre mémoire, ayant déjà faussé notre vue, nous ont éloignés de la réalité, géographiquement parlant. Monsieur Jehn, indigné de cette incomplétude (ou lacune au juste, vu notre fâcheuse tendance à tout stéréotyper* avec nos connaissances) d’élèves de 6ème, s’est exclamé un jour, en nous regardant par-dessus ses lunettes : « Mais vous n’avez pas de champs de blé au Vietnam. Ce sont des « rizières » que vous avez! » Quelqu’un de la classe avait dû décrire des buffles tirant la charrue dans des champs de blé, vus lors de son prétendu séjour à la campagne! « Ici, au Vietnam, cette verdure qui s’étend à perte de vue s’appelle « rizière », compris ?» Les champs de blés jetés aux oubliettes donc, à partir de ce jour, merci Monsieur Jehn! Nguyễn thị Minh Yên / Gabrielle Campagne vietnamienne : Buffles tirant les charrues dans des rizières boueuses
Campagne française : Bœufs ou chevaux au labour à la charrue
Champ de blé à l’époque de la moisson (*) Fâcheuse tendance à tout stéréotyper:
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© cfnt, Collège Français de Nha Trang