Le temps des fessées
Troisième Partie


L’histoire du « faux » champion


Pendant les premières semaines de ma 9ème (après avoir quitté le Collège Français pour Hàn Thuyên, lors de la division), n’ayant pas encore reçu nos livres de lecture, en classe, on devait se partager les quelques manuels distribués par Mr Mariadassou Jr. (Fils du surveillant du Collège Français et enseignant des petites classes).


Notre première lecture, en prose, n’était autre que « Le Renard et le Bouc de la Fontaine ».


 


Vous devez connaître l’histoire : Maître Renard et son compère le Bouc qui ne voyait pas plus loin que son nez, malgré ses longues cornes, partaient ensemble à l’aventure et chemin faisant, voulaient descendre dans un puits pour se désaltérer…

Notre pauvre Bouc était assez dupe pour finir coincé dans le puits, tandis que Maître Renard, sans scrupule comme d’habitude, lui fit ses adieux en ces termes:

« Si tu avais autant d’esprit que de barbe au menton, tu ne serais pas descendu dans ce puits.

Adieu ! J’ai une affaire qui me presse; je n’ai pas le temps de m’arrêter davantage. »

« En toute chose, il faut considérer la fin”, voilà la morale de cette histoire.


A la fin de la journée, comme devoir à la maison, nous devions faire un petit résumé de la leçon, en dix lignes, pas plus. C’était notre première reconstitution de texte, mais sans livre pour nous aider ; seulement de mémoire, une vraie corvée, quoi !

Aucun souci pour moi, vu que j’avais le livre à la maison, grâce à la collection de mon père.


Un de mes voisins de table m’a suppliée de l’aider à faire son devoir. Difficile de dire non à quelqu’un d’aussi sympathique que lui, si jovial et toujours apprécié de tout le monde.


Donc une fois ma copie terminée, j’en ai refait une autre, à ma sauce, en prenant bien soin de tronquer son texte.

Et enfin, voilà ce fameux jour où nos cahiers étaient rendus un par un, et l’avant-dernier était le mien, avec un neuf sur dix.

Je me souviens parfaitement de ce que Mr Mariadassou a dit à ce moment-là : « Ah, voilà le champion ! » en distribuant le dernier.

Surprise, surprise !!! C’était mon voisin qui a obtenu la note parfaite, un dix sur dix (à ma place)!


Toute la classe était évidemment béate d’admiration devant lui et une mauvaise langue a même observé que ledit voisin, sans livre, a obtenu une meilleure note que moi !

Paniqué, Monsieur me fit des signes discrets : Ne pas vendre la mèche surtout!


Ça ne m’a pas trop dérangée, en fait ! En mon for intérieur, je devais être assez fière de mon propre exploit !


A Noël, j’ai reçu deux cartes de vœux, en guise de remerciements de sa part. Sauf que l’écriture n’était pas du tout la sienne, j’ai supposé qu’il a dû les piquer à quelqu’un, à son frère ou à sa sœur, par exemple.







École et Châtiments


A l’époque, bien que les punitions corporelles fussent de mise à l’école, comme à la maison, je

déplorais la brutalité.


Mr Mariadassou (Fils) mériterait bien le surnom de « Père Fouettard » (ou Maître Fouettard) car il avait un faible pour les sévices. Les malheureux élèves n’avaient qu’à bien se tenir avec lui !


Ce proverbe « Thương cho roi cho vọt, ghét cho ngọt cho bùi »* a toujours servi d’excuse à ce comportement brutal en matière de corrections, envers les petits Vietnamiens, sans qu’on réalise que violence n’engendrait que violence, plus tard, chez les enfants fragiles et traumatisés : Quel déplorable cercle vicieux!


(*« Thương cho roi cho vọt, ghét cho ngọt cho bùi » : Qui aime bien châtie bien - Qui bene amat, bene castigat, comme disaient les Latins.)


A la maternelle Khải Tâm, le maître tenait toujours dans sa main une longue tige de bambou.

Elle devait lui servir de pointeur au tableau noir aussi bien que de fouet.


Une fois, j’ai reçu quelques malheureux coups sur le bras, pour avoir confondu « pépin » et « papaye », au cours de la leçon du jour de la lettre P. Et d’un… et de deux !!! Au deuxième coup de fouet, tout est devenu confusion dans ma tête et j’ai continué à répéter « papaye » au lieu de « pépin » !


J’ai vraiment eu un « pépin » avec la « papaye », ce jour-là !


Mme Fredon, notre maîtresse maternelle, n’avait pourtant pas besoin de fouet, grâce à sa propre méthode. Assez curieuse, mais efficace quand même!


Un jour, en plein milieu de la leçon, sans crier gare et fonçant tout droit vers le fond de la classe, elle a attrapé les sandales de la malheureuse T.Tr. (déchaussée alors, très à l’aise), pour les balancer dehors, par la fenêtre grande ouverte.


Inutile de dire qu’à partir de ce jour-là, aucun d’entre nous n’oserait enlever ses chaussures en classe!


Nguyễn thị Minh Yên / Gabrielle




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