Charlie, ce n'est pas fini La musique n'a pas de frontière. L'art non plus. Mais la religion, si. Une sacrée barrière! Ou plutôt un mur, comme le mur de Berlin naguère. On dirait que les gens ont aussi des œillères. On se croirait revenir en arrière, Quand on voit cette barbarie, Toute cette tuerie. En Iraq, Syrie. Des réfugiés Yazidis… Et maintenant Charlie… Oui, ça peut vous coûter la vie Juste quelques dessins, un peu d'ironie. Il y a des jeunes qui n'ont rien compris. Au professeur, voilà ce qu'ils ont dit "Chez nous, on ne plaisante pas, Mme". Voilà, on est cuit. "Egalité, Fraternité et Liberté", on leur a pourtant appris. La France, dans la douleur, réunie. Mais, il y a des gens qui n'ont pas encore compris. Charlie, ce n'est pas fini. Le pire est à venir… A craindre pour nos petits. ____________________________________ Liberté chérie Aux pays qui n'ont pas de liberté Je dis: Pourquoi y participer? « Je suis Charlie », comme une marche forcée. Faire bonne figure, mascarade…Récupération médiatisée. Politiquement correct et conscience déculpabilisée. Ceux qui sont morts, seront-ils honorés ou fâchés? Enfin, quand même une sacrée journée! La France, quelque peu divisée. « Je suis Charlie » « Je ne suis pas Charlie »…A quoi bon polémiquer? Vous avez pu vous exprimer. L'essentiel. Et vive la liberté! Dans la foule des participants, en cette journée, Beaucoup d'enfants ont défilé. Certains se sont demandés: « C'est qui ce Charlie, papa, maman? », assez étonnés. « Quelqu'un de courageux, à cause de ses dessins tué ». « Moi aussi, j'aime bien dessiner. Est-ce qu'on va me tuer? ». Bonne question, mon petit. A nous la Vérité. Jusqu'où va la Liberté? Le droit à l'expression. Pas le droit de tuer! « A vous les crayons, oui, dessinez ». Pour qu'un peu de rêve, de fantaisie, d'humour soit distribué. Pour que ce monde soit égayé. On en a besoin. A cause du lendemain, trop stressé. Il y a un demi-siècle, un peuple a perdu sa liberté. Et son pays - le pays des ancêtres de dragons et de fées nés. C'était le mien, le tien, le sien...Liberté chérie, ô liberté. Quant à ceux qui sont restés Vérité bâillonnée, Pays d'invasion menacé, Jeunes patriotes condamnés. On n'est plus tout jeune, en somme. Les soixante-huitards que nous sommes. Le passé, des regrets. Le présent, des retraités. Le futur, des inquiets. Cet héritage qu'on vous a laissé Chers enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants…Sincèrement, désolé. ____________________________________ Le monde selon Charb Je n'ai que ma plume, Envers et contre tous. "Pas de gosses, Pas de femme, Pas de voiture, Pas de crédit. C'est pompeux Ce que je vais dire: "Je préfère mourir debout Que de vivre à genoux " " . Vivre ou plutôt survivre, Au jour le jour, Quelques traits de crayon pour vous distraire, Sous surveillance policière. Quand mes dessins voient le jour, Je ne tue personne avec mon humour, Mais des menaces en retour. Histoire de croyance, d'interdits…Au secours! Moi, j'aime le rire, à friser l'insolence. Et je me moque de l'intolérance. Mes personnages grotesques font grincer Bien des dents, de tous les côtés. Au travail, je suis un homme passionné, Toujours prêt à dire ses quatre vérités. Pour qu'un jour, à cause de leur haine forcenée, Mes crayons, de mon sang tachés. Au Monde, en 2012, j'ai déclaré: «Plutôt mourir debout que de vivre à genoux », et aujourd'hui, on m'a tué, Debout. En guerrier, A ma façon, crayons contre pistolets. Ils m'ont sans doute eu. Mais « Je suis Charlie » continue.* Nguyễn Thị Minh Châu |
© cfnt, Collège Français de Nha Trang