Venant de loin, du nord d’Australie, l'ayant quitté Ma Nouvelle-Guinée : On m’appelle le Badamier « Amandier-pays ou Terminalia catappa » ainsi baptisé; Au Viêt Nam, par un heureux hasard naturalisé. Mon fruit « myrobalan » ou « badame » si apprécié De couleur rouge vif à maturité. Une coque dure : Une amande renfermée Au goût si délicat, la joie des écoliers. Soin de peau et lèvres gercées, juste frottez. Ici, aucun hiver. Pourtant, je n’ai pas oublié Quand vient l’hiver, de mémoire de badamier Comme les autres frères, le corps dénudé Par pudeur, mes feuilles rougissent avant de tomber ! Joli tableau : vert, jaune, rouge ainsi mélangés Aussi beau qu'un Van Gogh arrangé. Sitôt tenue morne de saison enfilée Le vent souffle, impatient, entêté, "Adieu à sire badamier ! Pressez-vous ! Allez, sans regret !" Mars , avril me revoient, surpris, rajeuni et coquet Fini les bras engourdis, plus de branches ankylosées ! Des feuilles d’un vert tendre animé De joie, le printemps ainsi vite annoncé. Dans la vie des écoliers, Leur ange gardien familier Tantôt soleil tantôt averse fuyant.. Abrités Mes grandes feuilles, une large ombrelle improvisée. Sans oublier le risque d'être chatouillé Car chenilles dites « oursonnes » ou « hérissonnes » culottées Des poils drus , hirsutes : Cauchemars ambulants parachutés Sous les hurlements des écolières apeurées. Juillet, Août, le temps des fruits mûrs enfin arrivé Récolte facile, juste une savate envoyée Les petits filous, ils ne m'ont pas raté ! Des projectiles, mes myrobalans, une fois gavés ! Gare aux chemises blanches portées La sève d’une badame : Une tache indélébile laissée ! A la maison, des réprimandes bien méritées ! Il était une fois … une île … Poulo Condor appelée Côn Đảo, Côn Nôn ou Côn Sơn, dans la mémoire du peuple restée. Là vivaient des prisonniers, souvent à perpétuité condamnés Bagne d'époque coloniale : Dans des cages aux tigres, enfermés ! Moi, le badamier, fus un temps leur fidèle allié : Mes grandes feuilles en cachette ramassées Sur le sol glacial ou brûlant de la geôle, étalées Contre les rigueurs du temps : Seul luxe accordé Mes fruits ou bourgeons de feuilles, substituts repas contentés Pour calmer un ventre par la faim torturé Poèmes ou messages circulé - Sur mes feuilles griffonnés Le temps ne passa pas inaperçu, grâce à moi, sieur badamier, C'était moi la couleur du temps représentée Et le prisonnier sut qu’une autre saison fut passée ! Minh Châu |
© cfnt, Collège Français de Nha Trang