LUI 40 ans sont passés... Déjà! Et mes souvenirs me tirent vers ce passé, là où j'ai passé une année, une seule année mais une MERVEILLEUSE année, à jamais gravée dans ma mémoire! J'ai cherché sur le Net et me voilà de nouveau... élève du COLLEGE FRANCAIS DE NHA TRANG, membre de leur site. J'ai parcouru les pages à la recherche de visages connus. Hélas, personne, sauf peut-être, un nom! ELLE! La fille de ma classe! Je l'ai contactée tout de suite: " Hello, my friend! Te souviens-tu de moi? Nous étions dans la même classe que L...... " . Et sa réponse n'a pas tardé, vaguement elle s'est rappelée... de quelqu'un qu'elle n'a pas admis dans ses relations de l'époque! Pauvre de moi, un si beau gosse avec un sourire enjôleur toujours prêt aux lèvres dès l'approche d'une jolie fille! Gentil gars quoi! Je ne sais plus en quelle année c'était, ni en quelle classe, en 4è? Possible! En tout cas, j'étais trop jeune pour tomber amoureux d'une fille, encore attiré par les jeux " đá gà, đánh đáo... " . Mais j'ai quand même gardé son image... discrète, charmante pour la retrouver, dans la vague des souvenirs qui m'a ramené vers Nha Trang, la ville qui m'a plu, si difficile à oublier! Et vers elle! Pourquoi??? Et moi qui ne crois pas au coup du Destin, je commence à me poser des questions! Et je lui ai fait parvenir ce message: " Ghét của nào, Trời trao của đó "! ( Dieu nous donne ce qu'on n'aime pas ). Indifférente, elle l'était. Amie, elle est devenue. Ma très chère amie! My best friend! J’étais un élève « voyageur », envoyé d’une ville à l’autre selon les caprices des adultes, en commençant par Sài Gòn, Lycée Jean Jacques Rousseau: de CP jusqu’en 7è. A 10 ans, je connus mon premier transfert: En 6è, en internat à Đà Lạt, juste le temps de m’habituer à ce climat de haut plateau, à apprécier chaque jour, au réveil, ce brouillard si cher, si matinal! Permission de sorties chaque week-end en Lambretta – xe Lam, mode de transport en commun. Après un an de scolarité, je réintégrai mon Lycée JJ Rousseau à Sài Gòn. Mes parents connaissant une famille à Nha Trang, décidèrent de nouveau notre changement d'école et nous voilà, mon jeune frère et moi, à la conquête de Nha Trang, la ville où le roi soleil règne en maître neuf mois sur douze, où les écoles étaient disséminées dans des quartiers avoisinants de la plage, incitant les élèves à sécher leurs cours et partir en vadrouille! Notre logement se trouvait sur la plus belle avenue de la ville - l'avenue Duy Tân avec ses somptueuses villas ( d'architecture française ) dont certaines occupées par nos professeurs. Une belle plage de sable fin s’étalant devant notre porte, nous invitant aux baignades quotidiennes. Je pris l'habitude d'y aller seul, après les cours. Contrairement à mon petit frère qui profita largement de la compagnie de ses nombreux copains, j’étais seul, dans mes moments de loisirs. Ma timidité ayant ruiné tout contact avec les filles, malgré leurs tentatives d’approche, invitation à une soirée, sorties... Résultat: Après les classes, mon passe-temps favori était de choisir un coin, à la plage et rester là, à regarder les gens passer, à m’intéresser aux sexy GI filles des bars – du coin de l’œil seulement, hé hé! Je devais être marin ou pêcheur dans ma précédente vie, car je pouvais passer des heures à contempler la mer, sans me lasser! Les repas, nous avions l’habitude de manger avec la famille de notre logeur dont la modeste maison détonnait un peu dans ce quartier chic. Le propriétaire n'était qu'un quelconque fonctionnaire et sa femme, employée d'un PX (*) américain. Elle nous prépara des menus adaptés " au goût du temps " ( composés de pures conserves américaines ): Toujours du SPAM et encore du SPAM - la marque de conserve - mélangé à toutes les sauces: dans le bouillon, rissolé ou en friture. Ce fut pour moi une première, repas simples - tout ce qu'il y avait de frugal - servis par la mère, aidée des enfants. Tout le monde participait aux travaux ménagers ( lessive, rangement, ménage... ) n'ayant pas nos moyens pour louer les services d'une bonne. Mais ça ne les empêcha pas d'être de bons élèves à l'école. Mon père remercia ce monsieur en lui envoyant une Honda Dame toute neuve, somptueux cadeau qui causa un sacré choc à la maisonnée! Du coup, on me traita comme un prince! Grâce aux largesses de mes parents, je m'offris le luxe de donner un peu d'argent au petit dernier ( plus jeune que moi de 3 à 4 ans ). Le plus drôle, ce fut quand il voulut satisfaire sa curiosité en me demandant comment je fis pour avoir autant de mousse dans mon bain, avec quel truc machin? Trop magique, à ses yeux! Deux lits nous attendaient dans la chambre pour le repos; un bureau dans un coin, pour y faire nos devoirs. Un cadre simple où il nous manquait la chaleur familiale, le bonheur d’être avec tous mes frères et sœurs! Pour tuer le temps, rien de tel pour me distraire en m'exerçant à jouer de la guitare: Mon premier morceau fut " The House of the rising sun " (The Animals). Le programme de mes soirées se passa invariablement, entre quatre murs: Faire les devoirs, jouer de la guitare ou me livrer à la lecture en dévorant les romans de kung fu allongé sur le lit … Je me rappelle de la différence dans la tenue vestimentaire de l'époque, entre écoles, et même entre nous: Les établissements où l'uniforme était de rigueur: Võ Tánh: chemise blanche, pantalon bleu marine et Bá Ninh: chemise blanche et pantalon noir... Au Collège Français, les filles en mini jupes: Un spectacle absolument ravissant pour nous, les garçons! La plupart des jeunes gens mettaient des sandales - " dép " et je sais que ceux qui venaient en chaussures se firent remarquer dès le jour de la rentrée. En feuilletant l'album du Collège, j'ai découvert une chose curieuse: Comparés aux demoiselles de l'époque, nos jeunes hommes parurent maigrichons, de vrais gringalets! Avant de faire sa rentrée des classes, l'élève vint chercher les livres scolaires prêtés par l'école. A l'intérieur de la couverture de chaque volume, une fiche où on devait inscrire son nom et l'année de fréquentation. Pour venir à l'école, les jeunes disposèrent de moins de possibilités de transport que maintenant: Aucune ligne de Bus, ni de Taxis. Les enfants amenés par un Cyclo-pousse durent s'entasser, accroupis à même le plateau repose-pied. En circulation, plus de vélos que de motos, d'où l'existence d'un parc à vélos au Collège: Il fallait juste emprunter un petit chemin crissant de graviers. Quelques rares parents conduisirent les plus chanceux à bord de Mercedès... Condamné à la marche à pied la plupart du temps à Nha Trang, sauf le week-end où l’assistant de notre père passa nous prendre pour de longues balades en voiture, suivant la destination de notre choix. Ca lui arriva aussi de m'emmener voir sa copine, travaillant dans un bar. Elle me trouva si mignon qu'elle m'adopta sur le champ - " em nuôi"! Nha Trang, ville d'une beauté naturelle à l'époque, offrant peu de distractions le week-end: Quelques salles de cinéma, à proximité d'un glacier ou d'un commerce de lait de soja, de croissants et de pâtés chauds, spécialités d'un excellent restaurateur " Hưng Hoa ", au coin de la rue Độc Lập et de Công Quán ( Công Quán, celle où se trouvait la salle Minh Châu ), j'éprouvais toujours un besoin de m'évader vers d'autres endroits plus sauvages de la côte. Chaque mois, nos parents venaient nous voir, vérifiant si tout allait bien, si nous ne manquions de rien, nous distribuant un peu d'argent de poche... Mon père, magnat à l’époque, possédait 3 compagnies: La première exportait du sable blanc au Japon, la deuxième, à Cà Ná, fournissait en sel tout le pays, et surtout les sociétés productrices de Nước Mắm et la 3è, la plus grande, avait l'exclusivité de l’approvisionnement de l’armée vietnamienne en nourriture sous forme de boîtes de conserve. Nous avions une grande propriété à Cà Ná avec un personnel à notre service: chauffeur, serviteurs … A Nha Trang, une petite agence fut ouverte pour le compte de notre société de Cà Ná dont le siège se trouvait au Centre Commercial Tax, à Sài Gòn. Enfin, une autre année scolaire de finie! Nous voilà de retour au bercail. Heureux de retrouver mon ancienne chambre, mes vieux amis, mon nouveau Lycée Avec une voiture à ma disposition, cette fois-ci... Et la vie animée de Sài Gòn, d'un coup, a effacé Nha Trang, pas tout à fait, puisque... 40 ans plus tard, je suis revenu sur les traces du passé, à la recherche de ma classe sur le site du Collège Français! J’ai quitté le Viêt Nam pour m’installer aux Etats-Unis, cet eldorado! La chance n’a jamais été avec moi et j’ai manqué être millionnaire ou milliardaire comme mon frère aîné ou mes parents. Ma famille à part, j’ai pris une compagne pour la vie, l'ayant eue bébé, âgée de 2 mois et ça fait 7 ans déjà. Son nom « Happy »: C’est un Perroquet gris d’Afrique, une espèce extrêmement prisée pour son intelligence et sa capacité unique de parler, de reproduire les sons ( surtout de placer les mots et les sons dans le contexte du moment ), de durée de vie assez longue - jusqu’à 65 ans. Happy me comble de joie et de bonheur chaque jour. Le matin, j’ai droit à un « Good Morning, baby » ou « Good Morning, Viêt Nam »! A 19h, elle me demande: “Ngủ chưa? Good Night, see you tomorrow!”. Je couvre sa cage pour qu’elle soit dans le noir et elle me lance un “Good Night” avant de s’endormir. Quand je me prépare à aller prendre une douche, elle me fait une proposition: « Tắm chưa? Đi tắm! ». Elle a son perchoir dans la salle de bains. Sous le jet d’eau, elle ferme les yeux, jouissant de la joie du bain! Pour accueillir mes amis, elle dit: « Hello! How are you? » et quand elle voit l’attroupement autour d’elle, lui faisant sans arrêt des louanges « Chim khôn quá, biết nói … », elle s’énerve en lançant: « Shut up! La um sùm!» Elle sait donner - en anglais- notre adresse quand on lui demande en viêtnamien: « Địa chỉ nhà là gì? » Je m’apprête à quitter la maison, elle me dit au revoir: « Bye, see you later » Elle connaît plein de chansons et siffle tout par coeur. Quant aux paroles, elle sait chanter « It’s now or never », « Hello again hello », « Jingle bells », « I feel good », “Are you lonesome tonight?”,”Đường xa ướt mưa “, « Quốc ca Viêt Nam » ( l'hymne national de VNCH ) Sa gamelle est vide? Elle se met à côté en posant la question: " Đồ ăn đâu?" A chaque nettoyage de sa cage, au moment où je dois passer l'aspirateur, elle se met à pousser des jurons: " ĐM, ở dơ quá đi, dơ ơi là dơ!" Chaque matin, avant que je lui change le papier tapissant le fond de la cage, elle me fait cadeau d'un gros tas de fiente fumante, tout en faisant la remarque " Oh my God - Bó Tay!" Le jardinier mexicain passe chaque semaine pour tondre le gazon: Il l'adore, car elle lui crie de la maison: " Lucio que paso " en signe de bienvenue! Elle imite tous les bruits: le micro-ondes, la sonnerie du téléphone, le bruit de l'eau qui coule, une quinte de toux, les éternuements... Et quand elle rit, Oh my God, j'entends mes propres rires! Elle me fait parfois perdre la tête, ne sachant plus si j'ai affaire à un oiseau ou à un être humain! Mademoiselle n'a pas trouvé à son goût les 2 mâles que je lui ai présentés: Elle les a chassés comme une vraie mégère! Depuis je l'ai laissée tranquille, menant sa vie de célibataire à sa guise! En plus elle se prend pour mon égale ( nous considérant de la même espèce )! Quand elle veut me bouder, elle me tourne carrément le dos, cette vilaine! A rester toute seule, toute la journée, malgré sa liberté d'action - sa cage n'étant jamais fermée - elle doit s'ennuyer ferme et commence à arracher ses plumes. Je lui ai trouvé un compagnon parlant: un petit poste de télévision! Oiseau pas comme les autres, Happy ne sait point voler, elle marche, elle court chaque fois que je l'appelle. Trop marrante! Voilà, vous avez fait la connaissance de Happy, ma joie de vivre! ELLE Tu m'as demandé d'écrire une suite à cette page de Souvenirs pour qu'on fasse ce retour dans le passé ensemble! La petite écolière que j'étais à l'époque, connaissait la même solitude, ignorant que tu étais aussi timide qu'elle pour se lier d'amitié dès la rentrée. Que veux-tu, une Lilliputienne dotée d'un complexe de provinciale en plus, face à un nouveau venu de la Capitale, ex-lycéen de JJ Rousseau!!!! A vélo ( le mien, et avec toi pédalant, bien sûr! ) nous deux, nous aurions pu faire de belles balades, sillonnant les rues de Nha Trang, de long en large pour emmagasiner le maximum de souvenirs afin de nous les raconter plus tard, comme actuellement, l'un relate son vécu à l'autre - en espérant refaire vivre nos plus belles années! Nha Trang nous a marqués tous les deux, chacun à sa façon: Toi, un collégien de passage, moi, résidente de quelques années, le temps de fréquenter cinq classes! Toi, libre comme l'air, le fidèle visiteur de la plage, l'amoureux de la mer. Moi, l'adolescente dans sa prison dorée n'ayant que des correspondants à l'étranger comme amis. Toi, le parfait nageur et moi, la fille qui a toujours vécu au bord de la mer et qui n'a jamais réussi à savoir nager, la honte! Nous étions dans la même classe, nous croisant pendant une année scolaire tout en restant étrangers l'un à l'autre, comme à des années de lumière de distance....40 ans plus exactement ( sur Terre ) et nous nous sommes retrouvés, enfin AMIS! P.S: Pour toi, je suis ta Meilleure Amie. Mais, la plus chère à ton coeur, c'est Elle, HAPPY! Décidément, c'est... trop! Vraiment tu exagères! Je te déteste! Nous voilà revenus au point de départ, n'est-ce pas, là où tout a commencé: Le premier jour de classe... YOU & ME MTD & BTK (*) PX = "PX " stands for Post Exchange, the name given to a nonprofit retail store on an army base. This store may also be called a Base Exchange (BX), Navy Exchange (NEX) or Marine Corps Exchange (MCX), depending on the type of military installation on which it is located. |
© cfnt, Collège Français de Nha Trang