Si le public féminin du monde entier était fan de la « Tulipe Noire » incarnée par Alain Delon, (âgé de 29 ans, au moment de la sortie en salles de ce film de cape et d’épée, en 1964), au CFNT à l’époque, un professeur de Français avait une aussi belle allure que cet acteur de renommée internationale.
Son nom, vous l’avez deviné: Mr Micciolo.
Il ne savait pas encore qu’il allait déclencher une hystérie dans notre classe, chez deux de nos camarades.
Il faut reconnaître qu’il était grand, bien habillé. Son nom nous donnait une idée de son origine italienne mais avec ses yeux clairs et ses cheveux blonds bouclés, on pouvait y reconnaître un brassage génétique quelque part.
Un parfait gentleman, correct avec ses élèves et un bon professeur.
Ma voisine de table H. et moi, on s’était rendu compte qu’il était devenu le centre d’intérêt de deux filles en classe, MT et MH ou pis encore, la coqueluche de ces deux là. Car elles ne parlaient que de lui, d’où le surnom « La Tulipe Noire » dès que Mr Micciolo parut en tenues noires.
Les deux faisaient la paire, complices en tout. Des élèves studieuses, placées à la première ou deuxième rangée de tables, aimables et pourtant assez secrètes, ne s’intéressant pas trop aux autres, sauf à celles qui partageaient leur passion. Leurs rigolades tournaient autour de leur objet d’envie, Mr Micciolo.
Au fond de la classe, était assise MD. Une beauté sophistiquée grâce à un léger maquillage, de grands yeux aux longs cils ourlés (peut-être par un mascara), des lèvres brillantes.
Pendant les cours de français, sous l’ordre du professeur, on devait lire un paragraphe, et avec la concentration, on tenait nos têtes baissées, fixant les pages. On ne levait la tête que pour regarder le professeur qui était en train d’expliquer quelque chose.
Et chose curieuse, les yeux de Mr Micciolo étaient toujours fixés dans la direction du fond de la classe même quand il nous parlait ou quand un élève lisait le texte.
Intriguée, suivant son regard, je tournai ma tête. C’était MD qui attirait son regard apparemment.
La fille, toute mignonne avec ses longs cheveux, ses yeux même baissés montrant une belle frange de cils.
Sa façon de tenir son livre à la main était posée, dénotant sa différence par rapport aux autres élèves qui le laissaient sur la table.
Après les cours, voilà MT et MH toutes excitées qui nous pressèrent (càd H. et moi) de questions: « Vous avez vu? Il la fixait pendant tout le cours. Il ne voyait que MD ».
Et elles allèrent chercher un moyen pour attirer l’attention de Mr Micciolo.
Comme d’habitude, quelques minutes avant le cours, il s’adossait contre la porte de la classe et il regardait, soit la cour et les élèves, soit le vide.
Le couloir était surélevé d’un mètre environ du sol, plus haut donc que la cour. Nous autres, les filles, on se tenait près de la classe, dans le couloir, en petits groupes, se bousculant pour s'amuser, entre nous. On poussa MH et elle sauta dans la cour. Vint le tour de MT aussi. Elle sauta. Elles remontèrent par les marches de l’escalier. De nouveau chahutées et elles resautèrent dans la cour tout en rigolant.
Et MH toute radieuse qui revint me dire « Mr Micciolo a tout vu, remarquez, on était en robe courte! »!
H. et moi, on ne pouvait s’empêcher de se regarder, toutes les deux.
« Pauvres filles, vous avez l’air d’oublier que Mr Micciolo avait une jolie femme! Qui voulait regarder deux gamines, l’une maigrichonne et l’autre courte sur jambes plutôt rondouillarde?
Pour lui, ce n’était qu’une scène amusante entre collégiennes, rien de plus.
Un jour, les deux filles voulant faire une déclaration -indirecte- à Mr Micciolo, elles envoyèrent H. lui dire quelques mots italiens. Quelle astuce!
H. et moi, on passa devant le professeur, debout à sa place habituelle dans le couloir et H. lui déclara « Ti amo ».
Le visage de Mr Micciolo vira au cramoisi!!!
Et quand H. répéta aux deux copines ce qu’elle avait sorti à Mr Micciolo, pour le bonjour en italien ( H. l’innocente s’étant fait avoir en beauté!), elles exubérèrent de joie.
Une fois, elles vinrent nous voir pour nous confier un secret, une découverte sur le passé de Mr Micciolo.
Elles devaient attendre jusqu’à la fin des classes et à la dernière réunion en classe – entre prof et élèves –, pour saisir l’opportunité de bavarder et d’approcher plus intimement Mr Micciolo ainsi.
MH lui demanda: « Est-ce vrai que vous étiez metteur en scène? » et il lui répondit calmement « Question indiscrète! »
Leur béguin ou leur passion pour Mr Micciolo ne s’arrêtait pas à la fin de leur scolarité avec lui comme professeur car quand j’étais aux USA, elles m’avaient confié qu’elles continuaient à lui envoyer une carte de Noel anonyme.
En souvenir de ces quelques mots italiens dont H. n’avait pas bien saisi le sens à l’époque, je vous invite à écouter ce joli morceau de musique.
Lê Thị Lam Sơn
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