Nha Trang, petit coin de paradis &
La Dolce Vita


Nha Trang, ce petit coin de paradis…


Une enfance heureuse, des parties de baignade entre famille, entre copines…Des corps bronzés, le soleil et la mer… Laissons-nous emporter par les vagues du passé et je vais vous raconter ces jours d’été inoubliables!


L’heure de prédilection de ma mère pour nos bains de mer, c’était plutôt le matin, entre 6 h et 8h. Pour une seule raison: La coquetterie! Eviter les méchants coups de soleil qui risqueraient de nous transformer en laiderons - comme des filles de la campagne « nhà quê ».


Mais qu’importe, j’aimais aller piquer une tête dans la mer dès qu’une occasion se présentait, surtout pendant l’absence des parents, chaque fois qu’ils s’en allaient à Sai Gon, défiant  les ordres de « Chị Ba » - celle qui avait tout pouvoir par intérim – même sous menace de rapports à nos parents en cas de désobéissance et j’en profitais pour rester encore plus longtemps à la plage.


Ainsi, à la fin de chaque été, ma peau passait du bronzé au noir. Mon frère, dégoûté chaque fois qu’il me voyait sourire - super dents blanches sur fond noir ( exactement comme dans la pub du dentifrice Hynos des années 60 ) – décida de m’appeler désormais « négresse ». Avec le temps, ses railleries avaient un effet terrible et choquant sur moi, au point de ruiner ma propre image et me faire perdre ma confiance en moi. Pendant longtemps, j’avais nourri des idées pour améliorer mon physique en faisant recours à la chirurgie esthétique.


Tôt le matin, le soleil nous préparait déjà ses belles couleurs, du rouge orangé au jaune. La surface de l’eau était encore calme, à peine des vaguelettes venant tapoter le sable d’or. Un peu d’air frais, mais une fois dans l’eau, c’était plutôt agréable.


Beaucoup de gens âgés du quartier tout près, de la rue Phan Bội Châu, la plupart d’entre eux, des Chinois, déjà présents sur la plage en visiteurs réguliers. Des bouffées d’air frais, un peu d’exercices, quoi de meilleure médecine à cet âge-là?


Les maillots de bains? A l’époque, aucune mode encore et tout faisait l’affaire: du simple pantalon noir qu’on retroussait pour exhiber ses mollets aux caleçons pour les hommes, les enfants en général dans leur plus simple appareil, à poil sans honte. Sans parler de ceux ou celles en pyjamas qui y allaient franco.


Et moi, dans le lot, devinez ma tenue de bains! Je vous le donne en mille.


Tout d’abord, « je ne me déshabillais » point pour aller dans l’eau (comme dans une de mes réponses au professeur, Mme Fredon, au cours de Français, qui sous-entendait ma nudité), et ensuite, je ne faisais que retirer en partie mes vêtements qui cachaient le maillot de bain porté en dessous. A la fin,  je courais vite vers l’eau, ha ha!!!


J’emportais toujours avec moi une bouée, ma bouée de fortune, un boudin noir bien gonflé, réquisitionné d’un pneu et je m’éloignais vers le large à force de mouvements de jambes. Un jour, j’ai réussi à nager sans m’accrocher à la bouée, une certaine nage à la façon des chiens quoi.


J’avais parfois la compagnie d’une fille du CF. Elle habitait du côté de la Poste, en face du rond-point. KL était taillée comme une athlète, à la peau bronzée et au corps musclé, une démarche énergique. Rien d’étonnant, elle faisait de la natation chaque matin. Sa sœur, X. était tout le contraire, une grande mince, toujours en tenue traditionnelle «  Áo dài », pour aller au CF. Et KL était « garçon manqué » tout autant que moi.


Un jour, KL et moi avaient remarqué un vieux Américain dans l’eau, à côté de nous. Il ne savait pas nager, on le voyait bien. Sa bouée faisait chic, étant Made in USA et non pas produit local, genre chambre à air d’un pneu de voiture! Il nous faisait des sourires et nous parlait dans sa langue dont on ne comprenait que le rudiment: « Hello, How are you, Bye bye ». Ainsi il profitait de ces agréables bains matinaux tout comme nous. On le voyait souvent. Une fois, une idée saugrenue nous prit: Nous voilà près du vieux et hop, la bouée à l’envers et notre Américain noyé par surprise! Ce n’était pas facile de retourner une bouée avec un si gros bonhomme dessus, vu nos tailles minces à côté, mais on a réussi notre coup quand même! Il s’ébattit dans l’eau, pas aussi noyé qu’on le souhaitait, et parvint rapidement à rattraper son engin flotteur. Soulagé, le pauvre de l’avoir récupéré à temps. Bon sportif car il ne s’était pas fâché contre nous! Au contraire, il s’était joint à nous pour rire de bon cœur de cette farce enfantine.


La baignade finie, le sable encore collant à ma peau comme une seconde peau, toute fine, toute dorée. Malgré le sel, l’eau en séchant à l’air  rendit la peau plus fraîche, aucun besoin de passer sous la douche.


C’était le moment de rentrer à la maison à bicyclette.


Et dire que le pays était en guerre, à la radio, à la Télé, aux slogans de propagande contre le communisme…Nous, les enfants, on allait à l’école, on s’amusait, on mangeait de bon appétit, on dormait sur nos deux oreilles, tranquilles, on suivait des séries TV, des shows comme Bonanza, Green Acres, The Ed Sullivan Show, Carol Burnett…


Nha Trang et sa vie si paisible! Toute notre jeunesse dans ce petit coin de paradis. La Dolce Vita, n’est-ce pas?


Un beau jour, il fallait quand même la quitter, lui dire au revoir, non, plutôt adieu, car Nha Trang, notre Nha Trang n’existe plus! Mais au fond de mon cœur, Nha Trang la Fidèle garde tous mes souvenirs intacts, il suffisait d’un mot « plage » et tout réapparaîtrait comme par enchantement,  Nha Trang la plus belle, ma Côte d’Azur à moi, à nous tous, les élèves du CF.


Lê Thị Lam Sơn



© cfnt, Collège Français de Nha Trang