Le restaurant chinois Hòa Ký
(rue Độc Lập)


Il y a des souvenirs qui vous reviennent souvent, surtout quand il s'agit de vrais régals de votre enfance! Pour moi, c'était le restaurant Hòa Ký, sis rue Độc Lập à Nha Trang.


Je ne me souviens plus de l'adresse de la boutique de ma mère, mais ce restaurant se trouvait juste en face.


A l'entrée du restaurant, un comptoir où un bonhomme grassouillet travaillait, dans des nuages de vapeur. Très tôt le matin nous parvenaient le bruit des clients, le cliquetis de la vaisselle…Derrière la caisse trônait un vieux et il y avait du monde.


Je n'ai pas oublié l'allure de la fille aînée de la famille: grande avec de belles rondeurs. Elle me souriait chaque fois qu'elle me croisait dans la rue.


Devant la porte, assise sur une chaise, la grand-mère toute maigre, surprise toujours en train d'emballer quelque vieille chaussure dans du papier journal pour la cacher ensuite dans son pantalon noir. Alors sa petite-fille venait la lui enlever et la jeter un peu plus loin.


Fascinée par les gestes de la vieille, j'allais récupérer la chaussure et la lui rendis( en cachette évidemment ). Un jour, la vieille dame est décédée et on entendait l'écho des pleurs toute la nuit.


A chaque visite du restaurant, je pensais à la vieille grand-mère.


Quelquefois ma mère m'autorisait à leur acheter un " bánh bao " (brioche à la vapeur). Je le dévorais avec plaisir, tout en prêtant attention à la farce. Il y avait du porc haché, un demi-oeuf, quelques morceaux de saucisse chinoise, de l'oignon et des champignons hachés, une saveur parfaite et surtout la pâte, d'une blancheur remarquable. Le gâteau toujours servi sur un morceau de papier, celui même de la cuisson.


Une fois ma brioche finie, je continuais à nettoyer avec mes dents, les quelques miettes qui collaient encore sur la feuille.


Au déjeuner, mon estomac rassasié et encore gonflé n'arrivait pas à honorer les plats de ma mère. Elle me menaçait de ne plus me gâter la prochaine fois, quand l'envie me prenait, une menace vite oubliée après.


Un goût inoubliable, ancré dans ma mémoire, leur bol de nouilles, avec raviolis ou sans, à la cuisson « al dente ». Des pâtes fines, jaunes, savoureuses sous les dents. Une petite galette frite, quelquefois avec une petite crevette toute aussi croquante.


Le bouillon clair jusqu'à être transparent, parfumé aux différentes épices, si agréable à sentir. Quelques fines tranches de porc rôti disposées sur une feuille de salade qu'on dégustait avec bon appétit. Quant aux raviolis, du porc et des crevettes hachés, le tout farci dans une pâte fine.


Dans la bouche, on sentait la pâte cuite à point et la bonne farce fraîche et goûteuse, le bouillon tout chaud dégageant encore des vapeurs, sans parler de la saveur particulière de l'huile de sésame … Et un peu de vert, de la ciboulette, pour donner la touche finale au bol de nouilles de Hòa Ký.


Je me demandais souvent, dans quel coin du monde elle se trouve maintenant la famille de Hòa Ký. Leur restaurant existe-t-il encore quelque part ailleurs?


J'ai eu des bols de nouilles un peu partout dans le monde, mais je ne retrouve plus jamais le même goût connu jadis.


Lê Thị Lam Sơn



© cfnt, Collège Français de Nha Trang