MT et moi, on était dans la même classe. Sa maison se trouvait derrière la pagode bouddhiste, rue Hai Chua, à côté d’un camp militaire et pas loin du stade « Sân vận động ».

Ce qui nous avait permis, à maintes occasions, de nous amuser aux dépens de ces pauvres gens, bonzes et soldats.

De jeunes bonzes avaient acheté des œufs de canes un soir et MT les avait vus. Depuis, chaque fois qu’on voyait une tête rasée de jeune bonze, on lui cria « Tu hú ».

Quant aux soldats, on ne manquait pas de se moquer d’eux en interpellant, au passage, le soldat de garde: « Hey, deuxième cùi bắp » ou « deuxième cùi chỏ » dans de grands éclats de rires.

Les jours de pleine lune, je voyais souvent des offrandes chez MT: Des gâteaux carrés, enveloppés dans du papier de couleurs transparent, des fruits (bananes), du riz gluant…

Elle était la seule fille qui restait encore chez les parents.

De petite taille, assez replète, à la démarche gauche, perchée sur ses hauts talons, allant cahin-caha…Bonne élève, studieuse mais toujours prête à participer au jeu pour rigoler. En principe, elle faisait partie de la classe A mais préférait changer son emploi du temps pour la B, afin d’ éviter les cours de Mr W. Manzano. Elle avait peur de lui tout simplement.

En classe, T. était assis du côté des garçons rassemblés en joyeuse compagnie.

Une fois, on l’avait vu à l’école en pyjama noir, une tenue adoptée comme uniforme pour « Nhân Dân Tự Vệ », la milice à l’époque.

Son crâne rasé était un sujet de rigolade pour les filles de ma classe. Son allure ne manquait pas d’assurance. On lui avait trouvé un surnom « T. sư cọ », ce qu’il n’appréciait guère et il se vengea en appelant ma copine MT « cœur de cochon ».

Un jour, T. et deux autres garçons de la classe nous invitèrent à une excursion à Hòn Chồng. Ils nous avaient offert du jus de coco. On avait passé un bon moment ensemble, à escalader partout, à sauter d’un rocher à l’autre… Grâce à son appareil photo, T avait pris quelques photos en souvenir de cette mémorable balade.

Il fut un temps pour tout. Un temps pour s’apprécier, un temps pour se battre…comme de farouches ennemis.

A cause de leurs surnoms, MT et T finirent par se bagarrer en se moquant l’un l’autre. Et ça a commencé devant la porte d’entrée de l’école par quelques étincelles entre eux, verbalement d’abord. Ensuite, MT, blessée par son surnom « cœur de cochon », l’insulte suprême pour elle, s’approcha de T. et lui frappa la tête avec sa chaussure. Le coup était tellement rapide et si imprévu que T. n’eut pas le temps de riposter. Du coup il avait reçu une bosse sur le front et le sang coula un peu.

HS, un témoin de la scène d’agression voulait me mettre en garde ainsi qu’une autre fille: « Si vous voulez la bagarre, il va falloir me compter là-dedans aussi ». 

Heureusement que le planton avait tout vu et il avait coupé court à ce combat sanglant. Nos deux protagonistes furent convoqués dans le bureau du surveillant général, Mr Mariadassou.

Depuis ce fâcheux incident, MT et T ne se parlaient plus. Personne n’évoqua cette histoire sauf quelques échanges de regards entre garçons et filles, surtout moqueurs chez ces dernières.

Aujourd’hui, en nous rappelant les souvenirs de l’époque au téléphone, on en riait encore, à gorge déployée.

Ah, sacré temps, notre jeunesse!

Lê Thị Lam Sơn