Hôtel Nautique 2
(Au temps des Français)


Point d’acacia heureusement sur cet emplacement en pleine propriété acquise en 1950 surtout avec l'argent en provenance des profits du magasin mixte en centre ville que ma mère a cédé.

Aucun filao comme à l'autre adresse, quelques grands badamiers, 2 frangipaniers odorants, 3 cocotiers et un magnifique flamboyant vers le milieu du terrain.

Par rapport à l'Ecole Française des FAURE, le nouvel emplacement de l'Hôtel Nautique se trouve donc de l'autre côté, toujours face à la mer mais à l'angle de la rue Yersin.

Nos voisins à droite sont les FOREST qui dirigeaient l'Hôtel la Frégate.

En arrière : La petite villa derrière à l'angle Yersin / Trần Hưng Đạo est celle des PIETRI.

A côté des PIETRI il y avait une assez grande propriété abandonnée où sur des fondations (en gros moellons carrés de granit) hautes de 2 M devait s'édifier une grande bâtisse avec vue partielle sur la mer au travers de la parcelle de l'Hôtel Nautique 2.

Personne ne sait pourquoi cette construction s'est arrêtée depuis longtemps.

Aux six chambres existantes de notre plus longue vieille villa, on a rajouté plus tard vers le fond du terrain (bordant celui des PIETRI) huit agréables chambres pour les clients en provenance de Saigon ou Dalat et les rares visites des sympathiques planteurs du Sud et Centre Viet Nam.

Création immédiate d'un nouveau Bar-Restaurant-Dancing avec Taxi-girls et vrai orchestre les weekends + jours fériés.

Quintet composé de militaires vietnamiens en civil, qui jouaient plus fort lorsqu'une bagarre éclatait entre militaires français pour diverses raisons ou pour " s'accaparer " certaines Taxi-girls qui s'attablaient et/ou dansaient au Ticket acheté par le " consommateur ".

Location de pédalos et ski nautique tous les matins seulement. Cette activité n'a duré que 2 ans.

Selon le nombre de clients, sorties en mer avec chasse sous-marine et pique-nique sur une ile.

Pour transporter une quinzaine de personnes + le matériel et les victuailles, on avait une Pinasse amarrée d'abord au port de Cầu-Đá, puis ensuite à l'estuaire de la rivière Cái à Cù-Lao.

Pour faire d'une pierre deux coups, en attirant une nouvelle clientèle tout en faisant une Pub pour l'Hôtel Nautique, une seule fois, le père René SEGUY avait organisé un grand Concours de chasse sous-marine (en apnée) avec 3 Prix & Coupes :

La prise du plus grand poisson, celle du plus gros poids de poissons et le plus idiot fut celui du plus grand nombre de poissons capturés.

Ne voulant pas participer à cette compétition matinale, en volontaire désigné pour surveiller les participants au large et en face de l'Hôtel Nautique, j'ai encouragé Jean-Claude Séguy (6 ans) à gagner ce 3ème prix en tirant sur tous les poissons avec son baby-gun à harpon en trident.

Mon refus d'obéir à mon beau-père, n'est qu'une autre dissension interne entre ce grand baraqué et moi, discordes qui remontent en 1949 pour avoir froidement tué sous mes yeux nos animaux qu'il jugeait trop prolifiques...

Et nos mésententes se sont multipliées au fil des années, d'autant que ce Séguy n'a jamais été un bon père, même avec ses propres enfants.


Autres grands mémorables événements :


> Le grand Concours de pétanque, sur l'esplanade en face de la Gare ferroviaire, organisé depuis Saigon par les marques de tabacs et d’apéritifs.

Personne ne s'attendait à ce que 2 gamins de NhaTrang ont failli gagner la finale et la coupe, en représentant dignement leur ville, sans le savoir.

Les hauts dignitaires de NhaTrang auraient pu les rechercher pour les féliciter (Merde alors !).


> Chaque année, toutes les troupes étaient consignées le jour de Camerone, sauf les Légionnaires qui étaient ivres et bagarreurs dès l'après-midi. Pendant cette journée, on ouvrait notre Bar qu'aux officiers qui savaient se conduire correctement. Le soir, c'était comme un Couvre-feu sur NhaTrang.


> En convalescence et en pension complète à notre Hôtel, on a connu un civil français qui travaillait aux déchiffrements … Cet homme d'une quarantaine d'années qui savait parler plusieurs langues

(Vietnamien / Chinois du Sud / Russe / …) a failli être capturé par les Viet Minh lors d'une de ses sorties en brousse (Déplacement signalé par un traite de son Service à Saigon).

Pendant qu'on l'emmenait hors du village, il a bousculé ses ravisseurs pour courir comme un dératé vers la Tour de garde où il s'est effondré, touché de 6 balles tirées par l'ennemi, mais pas aux zones vitales fort heureusement.

Mes parents lui ont offert le dernier polar : Douze Balles dans la Peau.

Cet homme discret qui était sobre auparavant, se sachant un miraculé de la mort, s'est mis aux vices : Fumer de l'opium (pour calmer ses douleurs), boire et recevoir des Con Gái, avant d'être finalement rapatrié en France pour sa sécurité.


> Autre rapatriement après avoir sauté sur une mine avec son char sur les collines dominant Cầu-Đá et le terrain d'aviation, un Capitaine de la Cavalerie qui était affecté à NHT avec son bataillon et son cheval (militaire) venu de France ; Un bête 3 fois plus grande que les petits chevaux du VN sur lequel ce Capitaine m'a appris à monter à cheval tous les Jeudis en fin après-midi sur la longue esplanade herbeuse qui séparait la plage de la double voie de circulation des véhicules.

A la limite de cet esplanade vers la plage, il y avait des poutres vertes en bois qui reliaient des " Tabourets " en ciment sur lequel je montais pour pouvoir atteindre la selle sur ce grand vieux canasson qui avait mon âge (13 ans !) et que le gabarit ne convenait pas au jeune Pierre Séguy, fort déçu.

Pour la fin de mes cours d'équitation, j'avais l'honneur de faire galoper une dernière fois ce cheval " à bride abattue " au point que ce jugulaire Capitaine l'a vue (pour la première fois) passé comme l'éclair devant lui !

Je n'avais pas mis le Turbo mais la Cravache en guise de sabre vers la tête du cheval qui s'affolait.


Après le départ de ce Capitaine (devenu moins à cheval sur les Règlements & Principes), afin que Pierre puisse faire aussi du cheval, nos parents n'ont pas pu acheter deux ou trois chevaux mais un lot de Six qu'il fallait sortir sur cette esplanade herbeuse et les surveiller 2 fois par semaine :

Les Jeudis + les Samedis après-midi.

J'avais la chance de choisir une belle jument (Senorita) laissant à Pierre monter les autres bourrins à sa guise, ou plutôt comme les indiens car il n'avait pas de selle.

La sortie des chevaux avec deux mâles qui se battaient souvent, devenait vite une corvée qu'on se partageait à tour de rôle, Pierre et moi.

Sauf qu'un jour, la Police militaire (Cảnh Sát) est venue en Jeep à l'Hôtel pour signaler que nos chevaux vagabondaient sur le terrain d'aviation …

Pierre était responsable de cette situation par ses négligences habituelles et j'ai refusé de l'aider à ramener les chevaux au bercail où Senorita était revenue avant les autres.

Colère était le père Séguy qui a vendu tous les chevaux, sauf ma jument que je montais parfois.

Avec " mes " animaux, j'avais toujours une relation particulière :

Cette intelligente jument et mon chien Johnny me réveillaient en m'attendant chaque matin devant la porte de ma chambre qui s'ouvrait sur une terrasse-patio où j'avais mes Poids & Haltères.


Chute de Điện Biên Phủ suivie par la perte progressive de la clientèle militaire à l'Hôtel Nautique, au point de ne garder que le minimum du personnel à notre service.

Un an plus tard, à cause de la politique anti-française de Ngô Đình Diệm, il fallait quitter le VN pour la Nouvelle Calédonie en abandonnant mon chien et ma jument que j'ai vu pleurer lors de ma dernière longue visite dans son box à l'institut Pasteur où on avait trouvé cette solution afin qu'elle ne finisse pas harnachée à un Tac-à-Tac surchargé (ou dans une boucherie comme les 5 autres).

A trop s'attacher aux bêtes on fini par les préférer à certains humains.


Pendant la période anti-française de Ngô-Dinh-Diêm, le père Séguy ( prévoyant notre fuite éventuelle par la mer ...) avait fait construire sur le terrain de l'hôtel, un assez grand voilier d'après les plans venus de France.

Pour ce " ridicule " projet, je devais aider le menuisier vietnamien et manipuler seul les produits dangereux pour ma santé, comme la toile de verre et la colle poly-époxyde afin de recouvrir toute la coque et le pont du bateau ; Voilier doté de 2 lourds ballasts en fonte, servant de quille et de lest pour tenir en mer agitée.


Mais lors de son premier essai dans la baie de NhaTrang ( après sa mise à l'eau à Cau-Da ), à l'heure de l'alizée quotidienne vers midi, il trainait sur l'eau tandis que les jonques des pêcheurs nous dépassaient facilement en rentrant vers l'estuaire de la rivière Cai.

De la Honte qui m'avait envahi, j'ai cru voir les yeux rieurs des jonques et entendre les ricanements des pêcheurs, au point que j'ai sauté du bateau pour nager pendant environ 3 miles vers la plage à la hauteur de l'Hôtel Beau Rivage, en laissant ce Séguy se démerder à ramener tout seul son voilier à Cù Lao.

Deux mois après, il a pu revendre ce bateau monocoque à un client venu de Saigon qui est reparti avec.


Plus tard, fort heureusement, la famille a pris un Constellation pour voyager dans les airs en direction de la Nouvelle Calédonie. 



ChrisTian PHILIPONET
(le Anh Hai de L'Hôtel Nautique)



© cfnt, Collège Français de NhaTrang