Collège Français de Nha Trang - Viêt Nam

Joies et déboires de mon enfance
Première Partie



Quelle bonne et agréable surprise pour moi de retrouver sur You Tube, il y a quelques années, la collection des Rondes et Chansons de France qui avait fait la joie de notre enfance!


  


Rondes et Chansons de France, Récit des Fables de la Fontaine, Abécédaire Musical …


Que de bons moments nous avons eu, à l’écoute de ces belles chansons!


Et quel plaisir de feuilleter les livrets, d’admirer les images tout en chantonnant!

Enfant, je ne m’en lassais jamais …


J’admire, aujourd’hui encore, la pochette bleue avec l’image de deux enfants (un petit garçon en compagnie de sa petite sœur) et de leur chien, devant un beau sapin de Noël magnifiquement décoré!








Les petites chansons de l’Abécédaire Musical étaient tellement amusantes que certaines d’entre elles me trottent encore dans la tête:



A comme Anatole


Anatole avait un âne

Qui aimait les ananas…les abricots… les artichauts…

Et tout c’qui commençait par A

Anatole, quel drôle de gars

Ah ! Ah ! Ah !







On ne s’ennuyait jamais chez nous …


Mon père ne me laissait jamais oisive. Comme j’avais classe dans l’après-midi, il me donnait chaque jour des devoirs à faire, dans la matinée: deux pages d’écriture, quelques exercices de grammaire française ou un petit texte à apprendre par cœur; le soir, après le dîner, une dictée: ledit texte appris par cœur.


Pas question de gribouillages, ni de pages (de cahier) ourlées ou de livres déchirés!

On ne plaisante pas avec mon père. Mon écriture devait être appliquée, même avec les devoirs de maison.

Une fois ma tâche quotidienne accomplie, me voilà libre d’aller jouer.


J’avais deux poupées.


L’une était une Bella avec des tresses blondes et l’autre, une brunette frisée beaucoup plus grande et assez souple qui finissait, je ne sais comment, par devenir complètement chauve!


La Bella avait des yeux de verre bleus, ornés de longs cils. Elle fermait ses yeux quand on la couche pour les rouvrir, debout.

J’éprouvais un malin plaisir à lui enfoncer les yeux dans sa têtepour les faire ressortir de leur orbite après en tirant sur les cils. La pauvre!

Maman, les petits bateaux qui vont sur l’eau…


Maman, les petits bateaux

qui vont sur l’eau, ont-ils des jambes?



Je me souviens encore des pluies torrentielles et sans fin de Nhatrang. Il pleuvait tellement fort qu’on ne voyait plus qu’un immense rideau blanc; à rendre les essuie-glaces de notre voiture impuissants sous ce déferlement.




La vue de la cour inondée de notre maison nous comblait de joie! Mes petits frères et moi, on n’attendait que ça pour faire la course de bateaux, lesquels pliés à toute vitesse (avec du papier blanc, déchiré de nos cahiers, bien sûr !).





On allait ensuite barboter dans l’eau, pieds nus, grelottant sous cette dense pluie, si froide, pour repêcher quelque malheureux naufragé!


Ma vocation de chanteuse ratée


Mlle Monbazet, notre maîtresse de la 11ème, nous a demandé un jour si l’on connaissait la chanson « Malbrough s’en va-t-en guerre ».


A mon grand étonnement, j’étais la seule de la classe à avoir levé le doigt.



« Mais oui, certainement, je connais bien cette chanson, puisque mon grand-frère et moi, on l’a écoutée maintes fois à la maison ».

Sûre de moi, j’ai vaillamment accepté de la chanter devant la classe!



Malbrough s’en va-t-en guerre

Mironton mironton mirontaine

Malbrough s’en va-t-en guerre

Ne sait quand reviendra …


« C’est quoi la suite… Au secours, aide-moi, grand-frère! »


Dès la fin du premier couplet, me voilà coincée comme si on m’a coupé le sifflet…




Devant un public hilare, au milieu des huées (en guise d’applaudissements):

Bể dĩa, bể dĩa” (“disque cassé”, le fiasco, quoi !), j’ai ressenti la plus grande honte de ma vie, enviant ce Sire Malbrough qui était déjà sous terre.


Et dire que ma carrière de chanteuse avait subi un sort pire que le sien, enterrée dès le premier coup d’essai.



    “Bể dĩa, bể dĩa”


Et les belles dames font comme ça…


Un jour, on chantait Sur le pont d’Avignon et Mlle Monbazet a demandé aux filles de la classe, si l’on savait faire ce « comme ça » des belles dames ?


Les beaux messieurs font comme ça

Et puis encore comme ça


Les belles dames font comme ça

Et puis encore comme ça





Et ce jour-là, la maîtresse nous a appris « comment faire une révérence »!


À Go-Go


Notre tourne-disque avait dû faire de la résistance, face à toute une marmaille (notre famille ayant 7 enfants), car de l’ère des Rondes et Chansons de France, il était passé à celui de la Nouvelle Vague avec Mon Meilleur Ami (Francoise Hardy), Notre Roman (Adamo), The Young ones (Cliff Richard)…



Une fois, en revenant d’une réunion avec ses copines, ma sœur cadette, m’a montré comment danser le À Go-Go!



Mode de la maison Courrèges et Go-go bottes des années 60

Le Go-Go dancing

dans les années 1960

Le style de l'époque étant associé au couturier André Courrèges, les minijupes ou minirobes étaient la tenue de base pour les filles. Elles portaient également des « Go-Go boots », bottines blanches à talon plat ou carré le plus souvent à la cheville ou au genou. D'autres dansaient en escarpins à petits talons aiguilles.

(Source: Wikipédia)


 


Misère, ô misère, ah, ces longues jambes!!! *


Mes grands-parents paternels étant à Saigon, on leur rendait souvent visite pendant les vacances.


Cette année-là, comme j’allais passer en 6ème, mes grandes sœurs ont pensé qu’il était grand temps pour moi de porter des chaussures à talons hauts. Et voilà une jolie paire de couleur brun foncé avec des talons de cinq centimètres pour Mademoiselle!

Moi, un vrai garçon manqué jusqu’alors avec les cheveux coupés à la garçonne, j’étais ravie du changement.


Ayant beaucoup grandi cet été-là, ma sœur aînée m’avait aussi fait faire de nouvelles jupes, dont une jupe blanche pour mon uniforme d’école.

A l’époque, la plupart des tailleurs - des hommes d’un certain âge - avaient appris leur métier avec des Français. Le nôtre, se trouvait dans une ruelle juste à côté du cinéma Casino de Saigon, rue Pasteur.


Le jour de la rentrée, j’étais toute fière dans mon nouvel uniforme: jupe et pull-over blancs, chaussures à talons hauts. Me voilà comme une grande!

Ma copine H.O., une jolie fille et coquette, s’est exclamée en me voyant : « Oh là là, tu es vraiment à la mode ! ».


Dès les premières heures de classe, j’étais déjà convoquée chez le Directeur! Quelle stupeur!

Le Directeur en personne et Monsieur Thọ, le Surveillant, me regardaient d’un air critique, de la tête aux pieds et là, tout de go:

« C’est quoi, cette tenue? » a lancé Monsieur le Directeur. « Ce n’est pas du tout convenable

… bien trop court! … (Un torrent de paroles s’ensuivit dont je ne pouvais plus me rappeler!) »


Ahurie, plantée là, ne sachant quoi répondre, désirant tout simplement pouvoir rentrer sous terre pour échapper à leurs yeux inquisiteurs!


En même temps, j’étais furieuse devant tant d’injustice: « Pourquoi moi, la seule à être convoquée? Pourquoi pas les autres??? Elles portaient des jupes ou des robes aussi courtes que la mienne! »


Mon père, alerté par ce scandale, a demandé à ma mère de me confectionner sans plus tarder d’autres tenues!

Quelle misère! Je me sentais tellement gauche et « nhà quê » (comme un vrai plouc!) dans ma nouvelle robe blanche qui me tombait à mi-genoux! Désormais, Mademoiselle était condamnée à porter une midi au lieu de mini! Horreur et déshonneur, ô mes chers aïeux!


La Direction avait décidé de nous faire porter des « Áo dài » blanches comme uniforme l’année suivante: les mini-jupes étant désormais bannies à partir de la 6ème!


Mamma Mia … Ce n’est bien plus tard que j’ai réalisé le comment du pourquoi de l’histoire!

C’était tout bêtement parce que j’avais, en ce temps-là, des jambes bien plus longues que celles des autres filles (Une « em chân dài », comme on dit, de nos jours!).


Nguyễn thị Minh Yên / Gabrielle

07/2018



(*) Mr Ba du cyclo pousse avait vu juste, quelque chose clochait avec ma taille!




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