Mes premières années filaos



En récompense de ma réussite à l’examen de passage en Sixième, mon père m’offre un vélo et une montre. Aussi, pleine de fierté, je me rends à vélo à l’école deux fois par jour.


L’entrée du Collège se situe maintenant  dans la rue Trần hưng Đạo, perpendiculaire à la rue Bá đa Lộc. L’ancienne entrée de l’établissement a été fermée le jour où l’armée américaine s’est installée dans le bâtiment d’en face transformé pour l’occasion en building forteresse, entièrement hérissé de barbelés. Une partie de la rue Trần hưng Đao a aussi été barrée, son accès gardé par la police militaire américaine. Dans l’après midi, on entend les soldats américains s’interpeller du haut de leur balcon, torses nus, rouges comme des homards, canette de bière Budweiser ou de Coca cola à la main, dans un bruit de fond d’informations radio, de jingles et de musique.

Quelques activités « extra-scolaires » déménagent du même pas : les marchands ambulants s’attroupent maintenant devant la nouvelle entrée de notre Ecole. Mais « Messieurs cyclos » préfèrent, eux, offrir leurs services aux américains, plus naïfs et généreux que les parents d’élèves.

Une nouvelle cour de récréation, peuplée de filaos étalant leur chevelure au gré du vent, remplace l’ancienne cour devenue déserte et silencieuse. Nous tournons désormais le dos aux badamiers de notre enfance.


Le cours de français est assuré par M. Jehn, qui, les années précédentes, enseignait en classe de Septième. Sévère, il sourit peu. De temps à autre, pour détendre l’atmosphère, il fait une blague. Tous les élèves profitent de l’aubaine pour rire à gorge déployée et chahuter. Puis, estimant que la minute de détente est passée, il reprend son air sévère, nous faisant comprendre que la « perm » est terminée. Malheureusement, quelques irréductibles dont je fais partie continuent à pouffer de rire, incapables de s’arrêter. J’ai beau essayé de penser aux évènements les plus tristes de ma vie, rien n’y fait…


Chaque Lundi nous assistons à la levée des couleurs. Dans une petite cour recouverte de graviers, un mât. Un drapeau Vietnamien à droite, un drapeau Français à gauche. Un élève Vietnamien se poste à droite, un Français à gauche. Deux rangées d’élèves s’alignent de part et d’autre. L’air grave, directeur, surveillant, professeurs, élèves ainsi que tout le personnel attendent. Après un « garde à vous » solennel de M. Tụy, notre professeur de Vietnamien,  les deux élèves préposés hissent les drapeaux. Silence. Un jour, pendant qu’ils montent, une voix vietnamienne chuchote « Kéo mau lên » (Tire plus vite), vite sanctionnée d’un « Chut » sévère de M. Tụy. Mais la course des drapeaux est partie. Nous les regardons anxieusement s’élever. Mon cœur bat. Le drapeau vietnamien arrive le premier… et nous voilà contents d’avoir « battu » la France, cette colonisatrice de notre pays, comme nous venons juste de l’apprendre à notre dernière leçon d’histoire dispensée par M. Tụy.


***


A chaque début d’année scolaire, nos professeurs exigent des protège-cahiers spéciaux, en carton, de couleurs différentes. Mais « ce luxe » strictement réservé aux élèves de notre école, ceux des écoles vietnamiennes avoisinantes ne pouvant s’offrir que de simples papiers journaux, va se trouver à l’origine d’un drame pour notre établissement.

Quelques jours après mon entrée en Cinquième, en début d’après midi, un bombardier américain s’écrase dans la rue Độc Lập, l’une des artères principales de Nhatrang. Il tombe sur une papeterie, celle qui nous fournit des protèges cahiers, située à côté d’une crèche. Cris, ruées, bousculades, des soldats américains se précipitent pour sauver les enfants. Une bombe explose. Parmi les victimes, en plus des soldats, des élèves de notre école venus acheter des fournitures scolaires. Mon père quitte précipitamment son établissement, retourne en catastrophe à la maison pour retrouver ses trois enfants, ma sœur, mon frère et moi, sains et saufs.

Après quelques jours, nous reprenons nos activités quotidiennes.

Avec l’énergie de la jeunesse, nous reléguons rapidement ce terrible accident au fond de notre mémoire.


 C’est aussi l’année où nous recevons de nouveaux élèves venant des classes « spéciales ». Parmi lesquels figurent Anh, une grande fille aux longs cheveux attachés dans le dos, Khoa et Kiên, deux garçons inséparables.

Tous les jours, avant d’entrer en classe, nous nous mettons en rang deux par deux, le long d’un couloir. Souvent, nous nous amusons à nous bousculer jusqu’à ce que l’un de nous tombe dans la cour en contrebas.

Un jour où Kiên, poussé par Anh, n’arrête pas de déraper, puis de remonter dans le couloir avant de retomber, Khoa, volant au secours de son meilleur ami, la bouscule, n’ayant apparemment pas remarqué qu’elle est plus costaude que lui.

Anh, non seulement ne bouge pas, mais en plus elle l’envoie valser dans la cour. Khoa, ayant finalement compris que Kien et lui ne sont que des « pots de terre », décide alors de viser le point faible du « pot de fer » : sa queue de cheval.

Nos deux héros roulent l’un sur l’autre. L’une essayant vainement de se dégager de l’étreinte de l’autre tout en hurlant de douleur, l’autre tirant violemment sur le point faible de son agresseur.

Quelques dizaines d’années plus tard, notre bourreau invitera sa victime chez lui pour fumer ensemble le calumet de la paix, assistés des témoins de leurs étreintes furieuses d’antan.


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La guerre fait rage l’année où je passe en Quatrième. Tous les jours, les bruits assourdissants des avions militaires s’abattent sur nos têtes. Professeurs et élèves suspendent leur discours, puis le reprennent dès que les avions s’éloignent. Sauf Kiệt et Hiển. Qui en profitent pour chanter à tue-tête, frappant le bas de leur pupitre de leurs mains, tapant des pieds en cadence sur le plancher. Puis s’arrêtent brusquement dès que le silence commence à reprendre. Etant placée juste devant eux, je suis la seule à entendre leur chahut. La seule à me tordre de rire pendant et après chaque passage d’avion. Et à recevoir toujours les mêmes appréciations dans mon livret scolaire : « Elève dissipée, n’écoute pas en classe ».


Nous continuons notre vie calme et insouciante malgré l’omniprésence de la guerre, qui se manifeste par l’afflux de soldats américains et vietnamiens dans notre ville. Leur jeep et poussiéreux GMC (nous apprenons que ces initiales désignent la « General Motors Truck Company ») déboulent dans les rues de Nhatrang, tous phares allumés en plein jour. Dans les rues apparaissent des abris érigés chez les particuliers, formés de sacs de sables. La nuit tombée, des hélicoptères espionnent les campagnes environnantes. On entend des rafales de mitraillettes venues de loin, suivies de fusées qui éclairent le ciel.

Mettant de côté les atrocités de la guerre que nos parents évitent d’évoquer en notre présence, nous nous concentrons sur les aspects positifs de la présence américaine. Nous découvrons, émerveillés, les chewing-gum aux différents arômes, les pastilles de coca cola qui pétillent en fondant sur la langue, les émissions de télé américaine (Bonanza, Batman…) diffusées en noir et blanc, que nous nous évertuons à essayer de comprendre…


L’anglais, considéré comme notre deuxième langue étrangère… après le vietnamien (!), est enseigné à partir de la Quatrième, alors que pour les élèves de nationalité française, il est leur première langue étrangère, donc dispensée dès la Sixième. Nous faisons connaissance avec cette langue grâce à M. Perrique, que nous appelons « M. Pickwick », à cause de sa ressemblance bedonnante avec ce héros de Dickens, son auteur préféré.

Craignant l’emprise de l’accent américain, il exige un parfait accent anglais. Pour nous l’inculquer, il projette en classe « My Fair Lady » en V.O. Film que nous avons du mal à comprendre, mais dont nous nous délectons en voyant Audrey Hepburn s’égosiller avec « The rain in Spain » devant le magnétophone de son professeur de phonétique.


A l’offensive du Tết Mậu Thân de cette année, nous goûtons à la vraie peur de la guerre. Quand les soldats Nord vietnamiens essaient, la veille du Nouvel An et malgré le traditionnel cessez le feu du Tết, d’envahir notre ville, le bruit des armes à feu se mêle à celui des pétards. Le couvre-feu est étendu sur toute la journée, mon père nous ordonne de nous abriter sous nos lits matelassés au moindre claquement d’armes dans les rues.

Quand enfin le calme revient, mon frère et moi décidons de mettre ensemble toutes nos étrennes économisées les années précédentes pour acheter un tourne-disque. Conscients pour la première fois que la mort pourrait nous emporter inopinément, nous voulons coûte que coûte réaliser notre rêve : écouter et réécouter à satiété nos morceaux préférés, avant de mourir…


Puis, de nouveau, grâce à nos activités scolaires et extra scolaires, nous oublions cette peur.

De temps en temps, après notre dernier cours de l’après-midi, nous envahissons la salle de cinéma Minh Châu, déserte à cette heure. Notre but n’est pas de voir les westerns diffusés, mais, dans la pénombre, de dévaler la salle, de jouer à cache-cache derrière les fauteuils, de nous faire peur en surgissant derrière un épais rideau, de courir, crier, rire aux éclats…déchaînements auxquels nous nous trouvons, à treize ans, trop vieux pour nous adonner dans la cour de récréation.

Et quand l'un d’entre nous n’a pas assez d’argent pour s’acheter un billet de cinéma, nous allons faire une razzia chez moi dans le verger. Hiệp escalade les cocotiers et nous lance des noix de coco. Kiệt, resté en bas, le suit des yeux, puis fait les comptes dès qu’un fruit tombe à côté de lui :

« Một, hai, ba… ủa Hiệp, chớ mày làm cái gì ở dưới đất vậy ? »  (Un, deux, trois...mais, Hiep, que fais tu par terre?)

Blague qu’il aime nous resservir dès que l’occasion se présente.

Les filles, Thuận et Hà préfèrent partir à la recherche des goyaves, des pommes cannelles, des prunes à peine mûries.


***


Notre professeur d’histoire et géographie de Troisième - M. Sabarit, surnommé « M. Eléphant », (car «…un éléphant, ça barrit…», nous explique t-il dès son arrivée) - bien que de passage de très courte durée au Collège, nous laisse à tous, sans exception, un souvenir indélébile.

Petit, trapu, chemises à boutons dépareillés, il débite son cours sans se préoccuper de ce qui se passe autour de lui. La porte de la classe franchie, il pose son cartable sur son bureau, s’installe, ouvre son livre et commence son cours. De temps à autre, tout en continuant à discourir, il se lève, se met devant les élèves du premier rang, et postillonne.

Le seul à rire de sa propre blague : « Le crachin ? Mais c’est le ciel qui crache ».

Enfin, presque. Car je ris aussi, moi, public facile à l’imagination féconde et à l’hilarité difficilement contenue. De cet instant là, je deviens son âme sœur, la cible de ses yeux bleus délavés, la déléguée de classe, la distributrice de ses copies corrigées, la porteuse de son carnet de notes.

Durant son monologue, il s’aventure rarement entre les rangées. La plupart des élèves s’entassent sur les bancs des derniers rangs. S’ensuivent des rangs vides, puis les premiers rangs occupés par les élèves assidus (ou plutôt assidues). Pendant son cours, les élèves se chamaillent, mangent des mangues vertes marinées, des tamarins confits, se lancent des noyaux de tamarins ou des boules de papier au bout d’un élastique. De temps en temps un noyau s’égare, heurte le tableau noir. Réveillé au milieu de sa litanie, il grommelle : « Hé là, moins de bruit, tss, tss ». Le vacarme s’arrête un moment, pour recommencer de plus belle.

A chaque fin de trimestre nous avons droit à une interrogation écrite. N’ayant jamais suivi, ni appris ses cours, la grande majorité, pendant l’examen, ouvre les livres et recopient les paragraphes concernés. A la remise des copies, leurs notes s’échelonnent entre 17 et 18, voire 19, tandis que celle de notre meilleure et honnête élève n’est que de 16.

Et pour le Brevet, personne n’a choisi l’option Histoire et Géographie, malgré les excellentes notes figurant dans les bulletins trimestriels… au grand étonnement de ce professeur.


La même année, Cô Lục Hà, jeune professeur sortie de la Faculté de Saigon et ancienne élève du Collège Français, revient à son école pour y enseigner le vietnamien.

Petite et mince, les cheveux crêpés à la mode des sixties, elle arbore à chacun de ses cours, une tunique différente, assortie à ses fards à paupières. C’est aussi la mode du poil à gratter dont elle et d’autres enseignants sont victimes, devant le silence complice ponctué de rires étouffés de leurs charmants élèves.

Un jour, avant son arrivée, Hiệp insère une chenille hérissonne en caoutchouc entre les pages du Carnet d’appel. Elle pénètre dans la classe. Nous fait signe de nous asseoir. Ouvre le registre. Une moue de dédain se dessine sur ses lèvres à la place du cri d’épouvante tant escompté. Balayant l’assemblée d’un regard brillant de colère, elle lâche froidement :

Qui a mis cette chenille dans mon Carnet ?

Face à ces adolescents qui ne cherchent qu’à la déstabiliser, elle nous fixe de ses grands yeux emplis d’autorité. Les mêmes grands yeux dont le cœur de M. Pasquier, prof de Physique chez les « grands », s’est pris au piège, tel le petit savoyard dans l’ « Etoile des neiges ». Leur idylle s’officialisera l’année suivante par un mariage, auquel nous serons tous conviés.


En 1992, lors du premier gala des anciens élèves du CFNT organisé à Lognes, nous nous sommes revus avec d’autres amis venus d’Europe et d’Amérique.

Khoa lui demande :

- Tu te rappelles, un jour, tu nous a expliqué l’expression « Thẳng như ruột ngưạ » (« droit, franc comme les entrailles de chevaux »). Mais, maintenant je ne me souviens plus de sa signification. Pourrais-tu nous  la réexpliquer ?

Elle réfléchit longuement. Nous sommes tous suspendus à ses lèvres. Ravis qu’elle nous rafraichisse la mémoire. Avides de comprendre de nouveau cette expression aussi poétique. Au bout d’une minute de cogitation, sa réponse fuse, confuse :

- Je ne m’en rappelle plus !


A la fin de cette année, à l’instar des autres jeunes de son âge, mon grand frère part à l’étranger faire ses études universitaires, échappant ainsi au service militaire.

Mon frère qui, dès mes premières années, a toujours été présent à mes côtés … Je me revois, à quatre ans, lui emboîter le pas à chacun de ses déplacements. Je ressens encore le chagrin suffocant, qui emplissait ma poitrine à cette âge, quand, réveillée de ma sieste, je m’apercevais qu’il n’était plus là, qu’il m’avait abandonnée pendant mon sommeil, pour aller à l’école.

Mon frère, qui, par la suite, est devenu mon seigneur dans le royaume des bêtises, mon protecteur contre les foudres paternelles, puis mon confident à l’âge d’adolescence.

Son départ est-il définitif ? Le reverrais-je un jour ?

Ma sœur étant déjà partie à Saigon depuis trois ans, il ne reste désormais, à la maison, que mon père et moi.


Ondine




Les chenilles du badamier,


C’est bien connu que, de tout temps, les élèves cherchent à faire des mauvais coups aux professeurs. Moi aussi j’ai eu mon lot quand j’étais revenue enseigner au Lycée français de Nhatrang en 1968-1969. C’était sous ce nom là qu’on désignait officiellement le Collège car cela faisait quelques années que les classes de Seconde, Première et Terminales ont été créées dans ce même établissement que j’ai quitté en 1960 après ma classe de Troisième et après mon BEPC.


Pour revenir aux farces plus ou moins stupides ou puériles faites par les élèves à mon encontre, je ne me souviens pas d’avoir été victime du fameux poil à gratter !

L’histoire des chenilles écrasées dans le registre de notes, par contre je m’en souviens encore très bien. Sa version diverge selon les narrateurs. Ce qui m’étonne c’est qu’un même événement n’est pas vécu ni relaté de la même façon d’une personne à l’autre.

Moi qui ai vécu cette blague en direct parce que c’était à moi qu’elle a été destinée, n’est-ce pas, je peux vous dire que ce n’était pas UNE mais plusieurs chenilles et elles n’étaient pas en plastique mais elles étaient bien vraies, venant directement du badamier en face de la classe, dans la cour.

Ce matin là, à mon « Asseyez-vous », tout le monde s’exécutait, presque trop sagement. Aucun murmure, aucun bruit, regards faux-fuyants. Surtout chez certains garçons, les grosses têtes de la classe dont la notoriété commençait à me parvenir.

J’ai compris, bien après, que tout le monde s’arrêtait de respirer scrutant le moindre fait et geste de ma part. Et pour cause !

Comme d’habitude, j’ouvrai le registre pour faire l’appel, et là, un amas de corps de chenilles poilues jaunes et verdâtres s’est étalé sur la feuille blanche. Certaines remuaient encore car elles n’avaient pas toutes été écrabouillées. Les auteurs du forfait ont dû le refermer trop précipitamment.

Désolée les gars, je n’ai pas peur des chenilles donc je n’ai pas poussé des hurlements comme ils s’y attendaient. J’étais très en colère par contre.

« Qui a fait çà ? » . Silence de plomb.

« Que les coupables se dénoncent ! Je vous donne une semaine pour le faire » . Pas plus de réponse.


Le cours se terminait sans autre incident.

 

Dans son bureau, le surveillant général, Mr Mariadassou, bouillonnait de rage en voyant l’ignoble pâté de cadavres dans le registre de notes, lui qui était à cheval sur la discipline.

- Vous connaissez les auteurs, Mlle Luc-Ha ?

- J’ai quelques noms en tête. Ils se sont murés dans un silence complice. Si personne ne se dénonce d’ici là, je demande un conseil de discipline pour toute la classe.

- Pour toute la classe ? Vous allez créer un précédent !

- Trouvez les fautifs alors et envoyez les au conseil de discipline. Sauf s’ils se dénoncent !

Mr Mariadassou a mené son enquête tambour battant, avec efficacité.

Puis un matin, à ma grande surprise, j’ai vu, en entrant dans la classe, trois garçons habillés proprement qui m’attendaient près de l’estrade. Ils sont venus se dénoncer et me présenter des excuses.

Toute faute avouée est à moitié pardonnée. L’incident, par cela même, était clos.

Pour la petite histoire, un des garçons était le fils d’une amie de ma mère. Il avait l’habitude de venir chez nous avec ses parents et me considérait comme sa grande sœur. Or c’était lui le cerveau de l’affaire. Qui l’eût cru ???


Luc-Ha Pasquier

17/08/2017




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