Centenaire de monsieur Jean Faure



Journée d'un centenaire à Limoux


Tout s'est fort bien passé, d'ailleurs au-delà de nos espérances. Nous pensions rester à l'Ehpad 1 heure, afin de ne pas fatiguer outre mesure M. Faure. Nous étions un peu plus d'une dizaine à l'entourer. Nous avions formé avec nos fauteuil un arc de cercle où M. Faure occupait le centre (cf. photos) Eh bien! bien que nous scrutions les signes de fatigue chez notre centenaire, ils ne sont apparus que vers 18 heures, et encore!


Pendant tout ce temps, M. Faure a été très attentif – et réactif – que ce soit pendant le discours d'anniversaire – que je n'ai pas voulu trop long – que pendant la chanson Hoa-Binh que j'ai interprétée et Fais du feu de la cheminée que nous avons chanté ensemble. Même le médecin de l'Ehpad (et ami de M. Faure) a égrené avec talent Jeux Interdits sur la guitare. M. Faure a manifesté un vigoureux sens de l'a-propos, a fait quelques jeux de mots, et a raconté des souvenirs, toujours avec une pointe d'humour. [On dirait des appréciations de bulletin scolaire! C'est bien son tour!]


Il a soufflé la flamme de la bougie unique (1 siècle) d'un coup sec et s'est beaucoup intéressé aux différents cadeaux qui lui ont été offerts (cf. photos). Il a consulté avec intérêt et avec soin les photos de l'album (cf. photos) qui l'ont replongé dans les temps anciens où il était le directeur du Collège de Nha-Trang. Notre petite cérémonie, au cours de cette après-midi ensoleillée, lui a rappelé les moments où lui-même et son épouse organisaient des fêtes fort appréciées au Collège. Les remises de prix étaient très attendues.


Un peu de blanquette de Limoux, des parts de tartes préparées par Malika, Monsieur Faure, tenant la main secourable de sa petite cousine Anne-Marie, semblait heureux de cette manifestation. Il a beaucoup conversé avec les anciennes élèves et professeurs du Collège - Luc-Ha et Thuy -, qui avaient fait un long voyage pour ce rendez-vous qui leur tenait à coeur. En tout cas, il fait l'admiration de tous, y compris de nos amis dont le fils a épousé une Vietnamienne et qui travaille désormais dans un grand hôtel de Nha-Trang.


Ce fut à la fois émouvant, joyeux et réconfortant de le voir heureux. Et nous l'étions à son contact. Et tout à coup, il était un peu plus de 18 heures. Nous savons que sa famille et l'Ehpad organiseront dans les prochains jours d'autres manifestations pour l'anniversaire de ce centenaire un peu hors du commun, c'est le moins qu'on puisse dire!


Roland Egensperger,

le 21 septembre 2015.




Discours d'anniversaire pour les cent ans de M. Faure


M'en voudrez-vous beaucoup, Monsieur Faure, si je vous compare au personnage de l'un de vos romans.

A votre manière vous aussi, vous avez été, vous êtes encore un des ces hommes en équilibre précaire sur les troncs instables de l'existence, je veux dire, vous l'avez compris: un radelier.


Dans votre roman, Le Fils du radelier, vous avez mis en scène cette activité, aujourd'hui disparue, qui consistait à faire flotter sur une Aude souvent tumultueuse et dangereuse, des troncs d'arbre coupés dans les forêts proches d'Axat, pour les mener via le défilé de Saint-Martin Lys jusqu'aux portes de Carcassonne, jusqu'au port de Trèbes, à la jonction entre l'Aude et le canal du Midi.


Dans vos jeunes années, promu instituteur, vous avez jadis fait voguer un radeau de robustes pommiers normands, et vous vous avez instillé le cidre éducatif à de jeunes «oustachis» que vous aviez pris à votre bord.


Après des péripéties liées à la seconde Guerre Mondiale, avec votre épouse et votre fille, vous avez construit ex nihilo un radeau de filaos et de flamboyants pour voguer de manière intrépide et sage entre les îles de la baie de Nha-Trang, dans l'Annam.


Ce radeau, - je veux nommer bien sûr le Collège Français de Nha-Trang - devint le vaisseau amiral de votre existence.

Pour beaucoup, élèves et professeurs, ce radeau, pris hélas! souvent dans les bouillonnements torrentiels de l'histoire, devint un village flottant comme on en voit souvent sur les grands lacs de l'Asie du Sud-Est. Ce fut un havre d'enseignement, d'échange et de paix. Il était porté par votre souffle pédagogique, par votre patience et votre prestance auprès des élèves, des professeurs et des parents d'élèves. Et ils vous le rendaient bien, ils ont habité ce radeau comme l'on rêve d'un pays natal.


Comme le dit Georges Brassens dans Les Copains d'abord, ce n'était pas le «radeau de la Méduse ce bateau», mais, «coquin de sort», par gros temps, et le Vietnam connut bien des tempêtes qui ont jeté à l'eau les élèves, des professeurs et leurs familles, ce Collège devint le radeau de la mémoire, où s'accrochent les souvenirs d'époques désormais révolues.


Merci, Monsieur Faure, de nous avoir «menés en radeau» dans cette belle aventure, nous vous souhaitons un bel anniversaire et que l'avenir vous soit aussi doux que possible. L'avenir? Quand tous les deux, il y a à peine 4 ans, nous nous sommes rendus à l'agence Orange de Limoux pour acquérir une Box pour votre ordinateur, vous avez répondu à la vendeuse qui vous proposait soit de louer l'appareil, soit de l'acheter: «je l'achète, j'ai tout l'avenir devant moi». Le temps, comme les gouttes d'eau qui tombent dans les grottes, finit par user le corps, mais il a moins de prises sur l'esprit, et moins encore sur la mémoire de ceux qui vous portent dans leur coeur, à condition qu'ils continuent à cultiver ces jardins du souvenir, et ils le feront, soyez-en sûr!


Au nom de tous ceux qui sont montés à bord de votre radeau, vos proches, vos élèves, vos professeurs, vos amis, Joyeux anniversaire, Monsieur Faure!


Roland Egensperger

Limoux, dimanche 20 septembre 2015


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