Elle était si jolie ... l'Inconnue



La fille, au temps du Collège, m’était inconnue.

Fréquentant une autre classe, seulement de loin vue.

A treize ans, beauté au regard innocent. Une gamine battue!

Toutes marques cachées. Qui l’aurait su?


Des années passées. Toujours aussi jolie!

Cheveux longs, cheveux courts, elle vous ravit.

A ses rires, on aurait dit qu’elle aimait la vie.

Courtisée, par des jeunes gens, au langage fleuri.

Papier pelure bleu parfumé, déclarations, poèmes à envi…

Une boîte, des serpents en couple, autre fantaisie.

Comment attirer son attention? Damnée irrésistible envie!

Même en classe, cette occasion inouïe!

Hélas, jamais conquise. Pour elle, simple camaraderie!


Fille, femme, le destin jamais ne lui sourit!

Triomphant la misère, sa courageuse mère par la famille bannie,

La faire entrer au Collège Français: le rêve accompli!


Chaque jour, avant d’arriver à l’école, un détour prévu ainsi:

Une maison abandonnée, des herbes sauvages, un puits sec ici...

Regarder au fond du puits en rêvant d’un conte: Son passe-temps favori.

Demander à la Fée une nouvelle tenue, des chaussures en verre aussi.

Ne plus porter la même robe rouge, à l’école, à cause des moqueries!

A 15 ans, elle voulait faire la guerre, par amour pour sa patrie.

Garçon manqué, à cause des coups, toujours en jeans, endurcie.

Le jour de ses 20 ans, sa mère, de ce monde, définitivement partie!

Libération, 1975, seule avec un enfant, aucune nouvelle du mari,

Pilote d’hélicoptère, disparu: A sa recherche, anéantie!

Commerce clandestin cigarettes, poissons…Nouvelle vie.

Face aux épreuves, une femme dégourdie.

Revoir son ancienne école lui rappela le rêve de sa mère jadis

Devant ses enfants étonnés, tout en larmes, car le sien évanoui!

De ville en ville, de logement en logement, elle réfléchit

Grand temps pour eux de partir, ô Liberté chérie!

Boat people, un enfant perdu, sa douleur infinie…


Un jour, visite du site du CFNT, la voilà nouveau membre inscrit.

Des poèmes, des textes, un désir subit

Son lourd fardeau du passé enfoui, de nouveau resurgi,

Avant de mourir, pourquoi ne pas raconter sa vie?

La mort, sa hantise, depuis la perte de ces êtres chéris,

Elle ne savait pas, mais ses lecteurs abasourdis

L’atmosphère du forum tout d’un coup assombri

Devant son cœur en charpie, un cadeau sans prix!


Aujourd’hui, la fille n’est plus une inconnue

Pour ces élèves jadis côtoyés au Collège Français, son bahut.

Ces amitiés naissantes veulent être, pour elle, son salut:

"Vivre avec une lueur d’espoir, comme un début".


Minh Châu


Poème dédié à Lieu Vivienne, en souvenir de ses beaux textes sur sa vie, en hommage à son courage et à une amitié naissante.


Nguyễn Thị Minh Châu



© cfnt, Collège Français de Nha Trang